dimanche 19 décembre 2010

La « communauté internationale » se bouche le nez, mais n'a pas toujours eu la narine aussi délicate

Indépendamment des torts qui sont ceux de Laurent Gbagbo et de sa calamiteuse épouse Simone, il est infiniment plaisant de voir aujourd'hui la « communauté internationale » faire la délicate face à la volonté de l'ex-président ivoirien de refuser obstinément de reconnaître sa défaite à l'élection présidentielle.

Il y a plus de cinq ans que ce roitelet se maintient illégalement au pouvoir, c'est-à-dire depuis le 26 octobre 2005, date de l'expiration du seul mandat de président de la République pour lequel il avait été élu en 2000. On n'a guère entendu la « communauté internationale », durant ces cinq années d'usurpation du pouvoir, ou seulement d'une façon timide, du genre : « Votre Excellence ne serait-elle pas bien inspirée de commencer à envisager une nouvelle élection présidentielle, afin d'afficher un visage plus présentable pour la démocratie ivoirienne ? » (et aussi, et peut-être surtout, de ne pas menacer l'approvisionnement occidental en cacao, en cas de guerre civile).

Il était évident, durant toutes ces années, que le roitelet en question ferait tout ce qui était en son pouvoir, y compris par la fraude, par l'intimidation et par le sang, pour assurer le maintien de son clan au pouvoir.

Alors je rigole, en voyant les coups de menton d'un Sarkozy, et ses menaces de gels des avoirs personnels du clan Gbagbo à l'étranger.

mercredi 15 décembre 2010

Trafic d'organes supposé au Kosovo : les merdiats veulent aller plus vite que la musique

Dick Marty, personnalité politique suisse italophone respectée, est membre depuis 1998 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. À ce titre, il a enquêté, en 2005, sur l'affaire des prisons secrètes de la CIA puis, à partir de septembre 2009, sur la situation dans le Caucase du Nord (Tchétchénie, Daguestan et Ingouchie).

Membre de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, il a été chargé (à une date que je n'ai pas retrouvée, pas plus que la décision ni la liste des parlementaires collaborant avec lui) d'un projet de rapport sur le « Traitement inhumain de personnes et trafic illicite d’organes humains au Kosovo », qui a été rendu public dimanche 12 décembre sur le site web du Conseil de l'Europe (version en français).

Ce rapport contient effectivement des accusations gravissimes, et qui n'étonneront qu'à moitié ceux qui se sont toujours méfié de l'UÇK et du forcing généralisé américano-européen visant à donner à cette formation politico-militaire kosovare une vitrine respectable, face aux « méchants Serbes ».

Cela étant, il ne s'agit, jusqu'à plus ample informé, que d'un projet de rapport, qui n'a même pas encore été adopté par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, et encore moins par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Cela n'empêche pas des dizaines de médias avides de sensationnel de présenter ce projet de rapport comme un «  rapport du Conseil de l'Europe », comme si, désormais, la chose ne souffrait aucune discussion et allait de soi. Il y a par exemple, mais cela n'est pas en soi étonnant, compte tenu du philoserbisme des autorités russes, l'Agence RIA Novosti, qui procède à ce raccourci abusif dans une dépêche titrée « Le premier ministre kosovar impliqué dans un trafic d'organes (APCE) ». d'autres procèdent aussi de la sorte, sans conditionnels de rigueur, ni précisions sur le calendrier des travaux du Conseil de l'Europe.

On notera quand même le nom d'une journaliste du site Lexpress.fr, Marie Simon, qui sauve un peu l'honneur de la profession en prenant la précaution :
  • de titrer son article « Le Premier ministre du Kosovo était-il lié à un trafic d'organes? », avec un mode interrogatif prudent,
  • de rappeler que les accusations de trafic d'organes ne sont pas tout à fait une nouveauté, puisque Carla Del Ponte, ancien procureur auprès du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) avait fait scandale il y a deux ans en avançant des allégations comparables,
  • de conclure en donnant un aperçu synthétique des suites possibles de la publication de ce projet de rapport, aperçu que l'on eût aimé apercevoir dans les écrits de RIA Novosti ou de l'Agence France-Presse, entre autres raccourcisseurs : « Ce rapport doit être discuté jeudi en commission du Conseil de l'Europe. S'il est adopté alors, il sera présenté fin janvier devant l'APCE et pourrait conduire, comme le texte invite à le faire, à des enquêtes plus poussées sur le terrain, menées notamment par EULEX, la mission européenne de police et de justice, qui assume des fonctions en matière de justice depuis fin 2008. », écrit Marie Simon.


Ajouts du 15 décembre vers 21 heures. Bien entendu, ces péripéties n'ont pas manqué d'inspirer au moins une personne qui, par une lecture orientée de ce que les merdiats nous renvoient sur l'affaire, a cru bon d'en profiter pour s'asseoir sur la neutralité de point de vue, principe fondateur de Wikipédia, pour y écrire, dans l'article « Hashim Thaçi », que l'actuel Premier ministre kosovar est (sans conditionnel) « un criminel lourdement impliqué dans le trafic d'organes prélevés sur des prisonniers serbes et dans le trafic de cocaïne à destination de l'Europe » (dans la matinée) et de se contenter d'une version atténuée : « lourdement impliqué dans un trafic illégal d'organes prélevés contre leur gré sur des prisonniers serbes » (ce soir). C'est désespérant : la neutralitré de point de vue est pourtant un concept aisé à comprendre (du moins est-ce ce qui, il y a plus de six ans, lorsque j'ai débarqué sur Wikipédia, m'a paru le plus lumineux), mais il est de fait que des milliers de gens ne parviennent pas à comprendre ce concept, qui est pourtant indispensable si l'on veut construire une encyclopédie qui ne soit pas l'otage de tel ou tel groupe de pression.

samedi 11 décembre 2010

WikiLeaks : un soutien raisonné et mesuré

« Quiconque » s'intéresse à l'actualité sans avaler toute crue la bouillie prédigérée servie par les « grands » médias, au premier rang desquels l'abomination télévisuelle, a entendu parler de WikiLeaks, et ne prend pas pour argent comptant les fariboles sur le caractère prétendument « criminel » de l'action de ce site et de ceux qui le font vivre.

Cela ne signifie pas, évidemment, qu'il faille soutenir aveuglément WikiLeaks, ni fermer les yeux sur les possibles erreurs de son porte-parole, Julian Assange, dans sa vie personnelle. Pour autant, il est difficile de gober les fadaises sur les dangers que ferait courir, à travers le monde, les révélations échelonnées de WikiLeaks, lorsque des publications ayant pignon sur rue, voire « prestigieuses  » pour certaines d'entre elles, font le choix de collaborer étroitement avec WikiLeaks pour exploiter de manière responsable la matière considérable des cables diplomatiques tombés entre les mains de WikiLeaks.

The New York Times (États-Unis), The Guardian (Royaume-Uni), Der Spiegel (Allemagne), Le Monde (France) et El País (Espagne), ne se sont jamais signalés — même si certains d'entre eux ont une sensibilité « libérale » (au sens américain du terme) ou « de gauche » — par un quelconque caractère boute-feu et semeur de zizanie. Certains d'entre eux ont même, à tort ou à raison, une certaine réputation de modération, de réflexion et de respectabilité.

La recherche historique viendra sans doute révéler, un jour, comment furent conduites les négociations entre WikiLeaks et les cinq publications, et quelles modalités communes furent adoptées pour le dépouillement, l'étude et l'exploitation raisonnées de la matière contenues dans les 250 000 télégrammes diplomatiques.

Pour avoir littéralement « dévoré » tout ce qui m'est tombé sous la main, en matière de presse française sur le sujet, depuis le 28 novembre, je ne peux qu'être pleinement d'accord avec une Sylvie Kauffmann, directeur de la rédaction du Monde, lorsqu'elle explique, dans le numéro daté du 30 novembre, que, « à partir du moment où cette masse de documents a été transmise, même illégalement, à WikiLeaks, et qu'elle risque donc de tomber à tout instant dans le domaine public, Le Monde a considéré qu'il relevait de sa mission de prendre connaissance de ces documents, d'en faire une analyse journalistique, et de la mettre à la disposition de ses lecteurs ». Tout comme je l'approuve lorsqu'elle dit que « transparence et discernement ne sont pas incompatibles » et que, selon ses vues, « informer (...) n'interdit pas d'agir avec responsabilité », ce qui a conduit les quatre quotidiens et l'hebdomadaire à soigneusement éditer « les textes bruts utilisés afin d'en retirer tous les noms et indices dont la divulgation pourrait entraîner des risques pour des personnes physiques ».

À la lumière de l'avalanche de réactions suscitées par le « Cablegate », Sylvie Kauffmann est venue donner quelques éclairages supplémentaires un peu plus tard, dans le numéro daté du 7 décembre. Une bonne partie de son propos est alors réservé à la réfutation d'idées reçues — la prétendue mise en danger de personnes, par exemple — et contre-vérités — le « vol » de documents par WikiLeaks ou leur acquisition contre rétribution —, mais le plus intéressant vient à la fin de son article, lorsqu'elle indique que « pour l'historien comme pour le citoyen, c'est un trésor qu'il n'aura pas à attendre vingt ou trente ans, avant l'ouverture des archives » et enfin lorsqu'elle s'efforce, en conclusion, de mettre l'accent sur une vision ambitieuse du journalisme, dont la mission pourrait consister, selon elle, à « replacer cette masse d'informations dans leur contexte, à l'analyser, à enquêter sur des points restés troubles ou incomplets, à scruter les évolutions que provoqueraient certaines révélations », qui viendrait presque nous faire croire à une aspiration « scientifique » un peu inhabituelle dans la démarche du journaliste.

Aussi ai-je été heureusement surpris en voyant aujourd'hui que, face à l'ahurissant complot mondial anti-WikiLeaks, un quotidien comme Libération, qui avait publié au début de la distillation au compte-gouttes des télégrammes, quelques tribunes assez hostiles à la démarche de WikiLeaks, s'était décidé à héberger un miroir de WikiLeaks sur les serveurs de Libération, à l'image des centaines d'autres miroirs qui ont fleuri depuis que se sont manifestées les velléités de faire taire les gêneurs. Tout comme j'ai été satisfait de lire, ce samedi 11 décembre, en première page du quotidien, l'explication selon laquelle, en servant de relais à WikiLeaks, le quotidien souhaite « empêcher l'asphyxie du site WikiLeaks à l'heure où des gouvernements et des entreprises cherchent à bloquer son fonctionnement sans même une décision de justice ».

On ne s'étonnera donc pas, après de telles approbations de ma part, que je réprouve le plus vivement possible l'attitude d'un Joe Libermann, d'un Éric Besson, d'une Michèle Alloit-Marie, d'un François Baroin, et des firmes Amazon, PayPal, EveryDNS, etc., tous alignés, peu ou prou, sur la position de la superpuissance américaine et, volontairement ou pas, parties prenantes du complot visant à baillonner WikiLeaks.

samedi 4 décembre 2010

Prêter au Conseil d'État un rôle qui n'est pas le sien

Dans sa hâte à vouloir trouver un titre qui ne soit pas trop long, la rédaction du site NouvelObs.com en a sorti une belle, ce samedi 4 décembre, avec un article titré « IDF: le Conseil d’État recommande l'annulation de la réélection d'Huchon ».

En effet, ce titre d'article est un contresens, puisque le Conseil d'État, dans son rôle de plus haute juridiction de l'ordre administratif en France, n'a pas lieu de « recommander » quoi que ce soit. Il décide, tout simplement, que cela aille dans le sens du requérant ou pas.

Celui qui recommande, dans le cas présent, c'est le rapporteur public, magistrat qui, lors d'une séance publique de la section Contentieux, intervient pour déposer oralement ses conclusions, parallèlement à celles d'un conseiller d'État rapporteur (à distinguer du rapporteur public) et aux observations du ou des avocats de la partie défenderesse.

Après quoi, quelques semaines après cette audience et à l'issue d'un délibéré en réunion privée de la section Contentieux, intervient une lecture, en séance publique, de la décision collégiale prise quelques jours auparavant par la section Contentieux. Décision qui peut parfaitement ne pas suivre les conclusions présentées par le rapporteur public.

D'autres médias, hier après-midi, cette nuit ou ce matin, n'ont pas commis l'erreur du site NouvelObs.com, comme le démontre l'éventail suivant de titres de nouvelles sur le même sujet :

vendredi 3 décembre 2010

Croient-ils vraiment pouvoir faire taire WikiLeaks ?

Les agissements de diverses officines et de divers responsables officiels à l'encontre du site WikiLeaks — attaques massives par déni de service, intimidations et menaces, violation de l'état de droit — paraissent dérisoires, quand on voit la riposte multipolaire : à cette heure, le billet « Accéder à WikiLeaks », sur le blog de Bluetouff, recense une masse impressionnante de sites miroirs (miroirs DNS, miroirs Proxy/cache, dump sur Freenet, etc.)

Voir aussi :
Complément (4 décembre vers 19 h 30) : la récapitulation des ennuis subis ces derniers jours par WikiLeaks a donné l'occasion au site Lexpress.fr d'énoncer une belle contre-vérité à propos des relations entre WikiLeaks et OVH. Cela figure dans un article de Marie Simon et Flavien Hamon, titré « Haro sur Julian Assange et Wikileaks », paru vendredi. Les auteurs y prétendent en effet que « L'hébergeur français OVH a rapidement décidé de remplacer Amazon: les serveurs de Wikileaks sont donc désormais localisés en Suède et en France. », en se basant sur une simple brève publiée jeudi par le site Lexpansion.com. Un minimum de vérifications, dans la matinée de vendredi, avant publication de ce récapitulatif, leur aurait permis, ne serait-ce qu'en contactant directement OVH, de s'apercevoir que l'hébergement de WikiLeaks par OVH ne résulte aucunbement d'un choix fait par l'entreprise de Roubaix, qui s'est trouvée en quelque sorte mise devant le fait accompli, après signature d'un contrat conclu en ligne pour une somme d'environ 150 euros, réglée immédiatement. Octave Klaba, fondateur et patron d'OVH, s'en est d'ailleurs expliqué, dans l'après-midi de vendredi, en démarrant dans un forum interne d'OVH un fil de discussion titré « le cas wikileaks », dans lequel il a indiqué avoir découvert dans la presse l'hébergement de WikiLeaks par sa firme, ainsi que son intention, face à certaines déclarations politiques et pressions — on pense évidemment à Éric Besson —, de saisir le juge des référés afin de savoir si cet hébergement peut être continué ou doit être arrêté. La démarche de vérification systématique des sources est encore loin d'être automatique, dans les merdiats français, malheureusement.

mercredi 1 décembre 2010

« Le texte a été accusé réception »

C'est le site Europe1.fr qui a osé laisser passer cette formule ahurissante, cette nuit, dans un article titré « Un soutien de poids pour Florence Cassez », relatif au soutien apporté par l'Église catholique mexicaine et par Ignacio Morales Lechuga, ancien procureur général, de 1991 à 1993, et ancien ambassadeur du Mexique en France, à la cause de Florence Cassez, resortissante française détenue depuis presque cinq ans au Mexique, condamnée entre-temps par la justice de ce pays à 96 ans de prison (réduits à 60) pour quatre enlèvements, association de malfaiteurs, possession d'armes et possession de munitions, et qui clame sans relâche son innoccence, soutenue en cela par une campagne médiatique franco-française relativement soutenue.

Voici ce qu'écrit le site Europe1.fr : « Le texte a été accusé réception le 24 novembre par le tribunal qui doit se prononcer sur le pourvoi en cassation introduit par les avocats de Florence Cassez. »

J'ignore ce que voulait exactement signifier le rédacteur de cette chose, mais on peut supposer qu'il aurait pu recourir à une formulation telle que : « Le tribunal, qui doit se prononcer sur le pourvoi en cassation introduit par les avocats de Florence Cassez, a accusé réception du texte le 24 novembre. »

Digressions :

Au passage, on s'étonnera peut-être que, dans Google Noticias México, n'apparaisse pas la moindre trace d'un média mexicain relatant la conférence de presse commune tenue mardi par Pedro Arellano, représentant au niveau national de la pastorale pénitentiaire de l'épiscopat mexicain, semblant parler au nom de la conférence de l'épiscopat mexicain, et par Ignacio Morales Lechuga (ES), ancien procureur général. Je n'ai trouvé, via Google Noticias, qu'un seul média de langue espagnole traitant de ce sujet spécifique (en dehors des dépêches et articles relatant le prochain examen du pourvoi en cassation) de la conférence de presse de mardi, et c'est un site Web péruvien, Terra Perú, dans un article titré « Iglesia católica y ex procurador mexicano sostienen inocencia de Cassez ».

Cela invite à s'interroger sur le parti-pris de certains médias français qui, par petites touches discrètes, tentent de nous faire accroire qu'il existerait, au Mexique, une campagne de soutien d'envergure à la thèse de l'innocence de cette ressortissante française emprisonnée. J'ignore si celle-ci est coupable des faits qui lui ont valu sa condamnation, mais je trouve désolant l'insidieuse campagne franco-française visant à la déclarer obligatoirement innocente, du seul fait qu'elle est détenue au Mexique, vu d'ici comme une pays arriéré et où le respect du droit n'existerait absolument pas (en oubliant au passage, mais c'est un autre débat, les contorsions juridiques nombreuses qui, aux yeux d'autres pays du monde, font passer la France pour une sorte de république bananière...)

dimanche 28 novembre 2010

Larry Sanger, Wikipédia, WikiLeaks et les « ennemis des États-Unis »

Les médias — et singulièrement owni.fr — ayant annoncé et développé hier l'imminence de la publication par Wikileaks de plus de 250 000 mémos diplomatiques américains, l'inénarrable Larry Sanger a jugé bon de publier, sur Twitter, les deux « tweets » suivants : Ce qui a été traduit, par OWNI, de la manière suivante :
En ma qualité de cofondateur de Wikipedia, je vous considère comme des ennemis des Etats-Unis – pas seulement du gouvernement – mais aussi du peuple.

Ce que vous nous faites subir est irresponsable et ne saurait être excusé par des prêches sur la liberté d’expression ou la transparence.
Je n'ai pu m'empêcher de commenter, sur OWNI, la première de ces sorties de Larry Sanger :
« [21h30] Le cofondateur de Wikipedia apostrophe WikiLeaks. Via Twitter, Larry Sanger, cofondateur de Wikipedia, s’en prend directement à la démarche de WikiLeaks »

À propos de la réaction de Larry Sanger sur Twitter, il est bon de rappeler que cet individu, en dépit de la mise en avant de sa qualité de « co-fondateur de Wikipédia » — il oublie au passage sa qualité de fondateur de Citizendium, qu’on nous présentait un peu partout comme devant tailler des croupières à ladite Wikipédia, on a vu le flop qui en a résulté… — ne saurait en aucune façon se présenter, même implicitement, comme pouvant parler au nom de la communauté des contributeurs de Wikipédia.

Son opinion sur le bien-fondé de l’action de Wikileaks et sa condamnation ultra-nationaliste du site sont strictement personnelles, et la mise en avant de ses responsabilités — passées — dans le lancement de la version en anglais de Wikipédia, est tout simplement abusive.

Personne — pas même Jimmy Wales, « co-fondateur de Wikipédia », ex-président de Wikimedia Foundation (et la dirigeant toujours en sous-main), hébergeur des sites Wikipedia.org, ne saurait parler au nom de la communauté des contributeurs, ni même laisser entendre qu’il pourrait disposer d’une qualité qui le placerait au-dessus desdits contributeurs comme si cette qualité de co-fondateur lui avait conféré une autorité morale lui permettant de prendre la parole au nom des millions de lecteurs et participants de l’encyclopédie.
Chacun est libre, bien entendu, de penser en son for intérieur ce qu'il veut de la démarche de WikiLeaks, et c'est justement au nom de cette liberté de conscience qu'il est absolument insupportable que tel ou tel ressortissant des Zétazunis croie pouvoir énoncer une condamnation morale de Wikileaks, de surcroît en se permettant d'associer implicitement les contributeurs de Wikipédia à cette sentence, comme s'ils étaient eux-mêmes affublés des insignes de la justice et investis collectivement du droit de juger Julian Assange et les nombreux contributeurs de Wikileaks qui croient en la démarche de transparence clamée par WikiLeaks. <ouf !>

Cela dit, nous savons de quoi le sieur Sanger est capable, du moins ceux qui se souviennent de l'épisode de la dénonciation auprès du FBI des prétendus contenus pédophiles hébergés par Wikimedia Commons et des accusations insensées — car totalement hors sujet — portées contre un employé honorable de Wikimedia Foundation.

Pendant qu'il y était, le sieur Sanger eût pu recourir à un pluriel de majesté qui eût mieux convenu au ton de son premier tweet : « We, speaking as Wikipedia's co-Founder, consider you enemies of the U.S.--not just the government, but the people ».

mardi 16 novembre 2010

Réjouissante confusion entre les affaires Bettencourt et l'affaire de l'hippodrome de Compiègne

Oui, c'est possible, d'ailleurs le site Lexpress.fr a brillamment réussi ce « challenge », ce soir, sous la plume d'Arthur Fouchère, dans un article titré « Affaire Bettencourt: que risque Eric Woerth? », avec cette phrase coruscante : « L'affaire de l'hypodrome n'est pas le seul volet de l'affaire Bettencourt à inquiéter Eric Woerth. », entre autres joyeusetés.

Sauf que l'affaire de l'hippodrome de Compiègne, qui a éclaté au début du mois de juillet, quelques semaines après les premières grosses péripéties des affaires Bettencourt, n'est absolument pas un volet de celles-ci, quand bien même on retrouve le nom d'Éric Woerth, ancien ministre du Budget, dans les deux cas.

En effet, nombre de personnalités, telles que Liliane Bettencourt, sa fille Françoise Bettencourt-Meyers, son favori François-Marie Banier, son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre et quelques autres protagonistes de tout niveau des affaires Bettencourt, y compris un certain procureur Philippe Courroye et un certain « premier magistrat de France » nommé Nicolas Sarkozy, n'ont strictement aucun rapport avec la vente par les Domaines, avec l'aval d'Éric Woerth, alors en charge du Budget, d'une parcelle de la forêt domaniale de Compiègne à un prix supposé largement inférieur à celui du marché.

Le titre de l'article est donc fantaisiste puisque, après la saisine intervenue ce jour, par Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, de la commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR), dans le cadre de l'affaire de l'hippodrome de Compiègne, l'examen des risques éventuellement encourus par le désormais ex-ministre, congédié ce week-end à l'occasion de la formation du troisième gouvernement Fillon, ne peut pour le moment concerner que la seule affaire en question.

Le journaliste du site Lexpress.fr devrait pourtant se trouver aux premières loges pour savoir que les divers volets des affaires Bettencourt sont encore bien loin du stade d'une instruction qui suivrait son rythme de croisière, et que la péripétie du jour visant Éric Woerth est sans relation avec les affaires Bettencourt, et notamment celle surnommée, par commodité, affaire Woerth-Bettencourt.

Reste évidemment une question cruciale à élucider : sommes-nous devant une manifestation d'« hyperignorance » ou face à un symptôme d'« hipperignorance » (ignorance galopante, comme il se doit...) ?

lundi 15 novembre 2010

La Chine, nation « démocratique » ?

On croit rêver, mais, volontairement ou pas, le Service International du quotidien Le Monde s'est laissé aller à écrire, aujourd'hui, en page 6 du numéro 20470 daté du mardi 16 novembre 2010, dans un article titré « L'icône intransigeante de la résistance au régime militaire honni », consacré à un portrait de Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la Paix, libérée par les généraux birmans après sept ans de résidence surveillée dans sa maison de Rangoun, cette phrase tout bonnement incroyable :
« Aung San Suu Kyi reste cependant l’icône incontestée d’une force de résistance à un régime militaire sanglant, sujet à l’opprobre de la plupart des nations démocratiques, à l’exception de la Chine, son principal soutien politique et pourvoyeur d’armes. »
(la mise en emphase forte (gras) est de mon fait)
Compte tenu de l'énormité de ce qui est implicitement signifié dans cette phrase — présenter la République populaire de Chine comme une nation dans laquelle le peuple serait souverain et détiendrait le pouvoir collectivement (définition sur Wikipédia d'un régime politique démocratique) —, j'aimerais me rassurer et croire à une étourderie ou à une simple maladresse de la part du rédacteur de cet article, mais j'ai du mal à m'en convaincre...

vendredi 12 novembre 2010

« déserrance »

Ce terme figure, sous la plume de Sophie Landrin, dans un article titré « Camarades ennemis », en cinquième colonne de la page 3 du numéro 20468 du quotidien Le Monde, daté du samedi 13 novembre (et paru cet après-midi), au sein de cette phrase : « La direction du PS accuse François Hollande d'avoir laissé un parti en déserrance, miné par ses divisions et ses deux défaites à la présidentielle. »

On peut évidemment supposer une erreur de la journaliste ou d'un correcteur égaré, mais ce qui est amusant, c'est que si le sens figuré ordinaire du mot « déshérence » — « Disparition de la continuité d'une organisation. » — implique une période de flottement pour l'entité qui y est sujette, la construction sémantique involontaire « dés- + errance » impliquerait justement le contraire de ce que voulait signifier la journaliste...

Accessoirement, on trouve, au sein de cet article consacré aux relations tendues entre Martine Aubry, actuelle premier secrétaire du Parti socialiste, et François Hollande, son prédécesseur immédiat, une belle faute de grammaire, un peu plus haut dans le même article : « Mme Aubry s'est promise de tout faire pour contrarier les ambitions de son meilleur ennemi. » Il eût évidemment fallu écrire : «  Mme Aubry s'est promis [...] », tandis que l'on eût pu écrire, antérieurement au remariage de Martine Aubry avec Jean-Louis Brochen le 20 mars 2004 : « Mme Aubry s'est promise en mariage [...] »

mercredi 10 novembre 2010

Redevance audiovisuelle française pour tablettes et ordinateurs ?

Philippe Marini, maire de Compiègne, sénateur de l'Oise et rapporteur de la commission des Finances du Sénat depuis 1998, a donné une interview au Figaro (ou à la branche en ligne LeFigaro.fr), dans laquelle il se prononce explicitement en faveur de la taxation des « ordinateurs et autres tablettes qui reçoivent la télévision », ceci afin d'étendre l'assiette de la redevance audiovisuelle.

Cela n'a pas empêche LeFigaro.fr de titrer «La redevance pour les tablettes et ordinateurs», en oubliant au passage que cette proposition ne viserait, si on se penche avec rigueur et une attention soutenue sur les propos du sénateur, que les seuls appareils recevant la télévision (ordinateurs avec tuner pour la TNT, ordinateurs couplés à une « box TV par internet », par exemple, puisque les modalités de cette extension de la redevance audiovisuelle ne sont pas définie avec une précision dépassant les mots « recevant la télévision »).

Pour le moment, parmi tous les sites ayant relevé cette information, seul le site onsebuzz.com a eu l'honnêteté de titrer « Redevance et taxe TV étendue aux ordinateurs qui reçoivent la télé ? ».

L'Agence-France-Presse, pour sa part — et les gens pas trop mal informés ne s'en étonneront guère —, ne s'embarrasse pas de ce genre de nuance ou précision, et titre « Marini veut appliquer la redevance aux "tablettes et ordinateurs" », alors même que le texte de la dépêche n'oublie pas de préciser que cette proposition est restreinte et assortie de conditions.

samedi 6 novembre 2010

Intelligence collective des arbitres

Phénomène étrange : depuis le dernier renouvellement du comité d'arbitrage de Wikipédia, en septembre, qui a vu l'élection de seulement six arbitres — alors que dix postes étaient à pourvoir —, le comité semble faire preuve, dans sa globalité, d'une intelligence qui, auparavant, était parfois/souvent [rayer la mention inutile] aux abonnés absents.

Non, je ne pointerai pas telle ou telle réflexion particulière, c'est seulement un sentiment persistant à la lecture des arbitrages en cours et des arbitrages déclarés non recevables.

Cela dit, j'aimerais bien éclaircir ce mystère...

vendredi 5 novembre 2010

Rose Banks : « Rose », 1976

Ce petit bijou, pour qui veut bien se donner la peine de s'y plonger, est sorti en 1976, et constitue, après la dissolution en 1975 du groupe Sly and the Family Stone, l'unique album de Rosie Stone (EN) — sœur de Sly Stone —, publié par Motown.
Pistes de l'album :
Piste Auteurs Durée
Whole New Thing Jeffrey Bowen (EN)
J. Ford
Truman Thomas
3:30
Right's Alright Bubba Banks 4:05
I Get High On You Sly Stewart 3:45
Darling Baby Edward Holland
Lamont Dozier
Brian Holland
3:39
I've Go To Make It On My Own E. Robinson-V. Osborn 4:31
You're Much Too Beautiful For Words E. Robinson-V. Osborn 3:34
I'm So Glad You're Here E. Robinson-V. Osborn 4:08
It's Not The Season (It's The Reason) Jeffrey Bowen
J. Ford
Bubba Banks
4:04
My Life Is Loving You E. Robinson-V. Osborn 5:02

Produit par : Jeffrey Bowen, sauf Right's Alright, produit par Jeffrey Bowen et Bubba Banks (mari de Rose).


Musiciens :
  • Freddie Stone (EN) (frère cadet de Rose et ex-membre de Sly and The Family Stone), guitare ;
  • Cynthia Robinson (EN) (ex-membre de Sly and The Family Stone), trompette ;
  • David T. Walker (EN), guitare rythmique ;
  • Rusty Allen (EN) (ex-collaborateur de Sly and The Family Stone), guitare basse ;
  • Truman Thomas, claviers ;
  • Pat Rizzo (EN) (ex-collaborateur de Sly and The Family Stone), saxophone ténor.

Commentaires : J'ai toujours regretté que la firme fondée par Berry Gordy se soit si inexplicablement désintéressée de cette artiste : je suis persuadé que nous y avons beaucoup perdu, même si aucun indice ne nous permet aujourd'hui de prétendre que Rose aurait pu se muer en chanteuse de premier rang.

Certes, ultérieurement, ce genre de déception a été largement compensé, dans un autre genre, par le foisonnement et le génie de l'œuvre musicale d'un Prince, par exemple, mais on a quand même l'impression que toutes les chances n'ont pas été offertes à Rosie Stewart pour une vraie carrière solo. Certes, on est toujours partiellement responsable de ce qui nous arrive...

Petit détail gênant : l'album est relativement difficile à dénicher, même si la tâche n'est pas impossible.

mercredi 3 novembre 2010

« Espionnage de journalistes » ou pas ?

Le Canard enchaîné, dans son numéro 4697 daté du mercredi 3 novembre 2010 (paru hier à Paris), prétend que Nicolas Sarkozy, président de la République française, superviserait l'espionnage d'un certain nombre de journalistes. Assertion évidemment démentie, parfois avec une indignation surjouée, dans les rangs proches de l'actuel locataire de l'Élysée.

C'est possible, ou bien c'est fantaisiste. Je n'en sais rien, encore que j'aie bien une conviction intime, mais qui n'est d'aucune importance dans le brouhaha du jour.

Ce qui est amusant, en revanche, c'est que tout le petit monde qui s'offusque aujourd'hui de cette affaire, ou qui hier montait au créneau pour l'implication supposée de proches du pouvoir dans les multiples affaires liées de près ou de loin à Liliane Bettencourt, semble oublier autre chose, à mon avis beaucoup plus important et qui, cette fois, ne souffre aucune contestation.

Je veux bien sûr parler du projet de constitution européenne, qui fut souverainement rejeté par le peuple français, le 29 mai 2005, par 54,68 % des suffrages exprimés, ce qui n'a pas empêché le sieur Sarkozy de piétiner allègrement la volonté populaire exprimée de manière largement majoritaire :
  • en signant, le 13 décembre 2007, le traité de Lisbonne — le qualifiant mensongèrement de « mini-traité » et faisant croire qu'il ne serait pas un simple ravalement de façade du projet de constitution européenne,
  • puis en faisant autoriser la ratification du traité par l'Assemblée nationale et le Sénat, les 7 et 8 février 2008,
  • et enfin en promulguant cette loi de ratification, le 13 février, et en la faisant publier au Journal officiel, le 14 février.
Il est des gens de ma connaissance qui considèrent ce comportement présidentiel comme une série d'actes de haute trahison, définition certes commode, puisque ce concept n'est pas défini, en droit français.

On remarquera pour finir que, parmi les vertus indignées du jour, certaines, et non des moindres, notamment à gauche — mais je n'aurai pas la cruauté de citer des noms... —, furent bien silencieuses, tout au long du processus de piétinement de la volonté populaire réticente exprimée en France et aux Pays-Bas au printemps 2005.

Cependant, il serait temps, comme je l'ai déjà dit, qu'un nouvel Hercule vienne nettoyer les écuries d'Augias de ce petit monde politique français. Hélas, cet « avatar » contemporain du héros antique n'existe pas.

Pour autant, je ne cracherai pas sur des « explications » complémentaires dans cette succession de sombres affaires de journalistes supposés étroitement surveillés, sans parler de la série récente de cambriolages de domiciles de journalistes ou de locaux d'entreprises de presse. Tout ce qui est susceptible d'apporter un semblant de lumière sur de possibles basses pratiques liées au très délétère climat politique actuel me semble pouvoir être, au final, une bonne chose.

lundi 1 novembre 2010

Les wikipédiens qui veulent aller plus vite que la musique

Soyons justes : il n'y a pas que les merdiats — et notamment l'Agence France-Presse, ma bête noire (cf. mon billet du 31 octobre) — pour procéder à un traitement stupide de l'actualité.

La preuve nous en est fournie quasiment après chaque élection présidentielle un tant soit peu médiatisée, ici ou là sur la planète.

Ce fut le cas en octobre 2007, lorsque Cristina Fernández de Kirchner fut élue au premier tour, le 28 octobre, présidente de la Nation Argentine. Alors que le mandat de son prédécesseur et mari, Néstor Kirchner, continuait jusqu'au 10 décembre 2007, cela n'avait pas empêché un contributeur, le 29 octobre, de se précipiter sur l'article « Argentine », afin d'y « actualiser » l'infobox, en escamotant au passage le président en exercice, qui avait encore plus d'un mois de mandat à effectuer.

Rebelote un an plus tard, cette fois avec l'article « États-Unis », après l'élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis, le 4 novembre 2008. Ils ont été plusieurs, successivement, à partir du 5 novembre, à s'empresser de vouloir évacuer le calamiteux George W. Bush, en fonctions jusqu'au 20 janvier 2009, de l'infobox de l'article.

Dix de der, évidemment, ce 1er novembre, au lendemain du second tour de l'élection présidentielle au Brésil, qui a vu la victoire de Dilma Rousseff. Nous en sommes déjà à deux tentives de modification de l'infobox de l'article « Brésil », avec escamotage du président en exercice, Luiz Inácio Lula da Silva, qui ne quittera ses fonctions que le 1er janvier 2011.

Ce ne sont que trois exemples pris sur le continent américain, mais je gage que si l'on cherchait dans l'article « France », le 6 mai 2007 et les jours suivants, après l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, on aurait aussi des chances d'y trouver un escamotage de Jacques Chirac dans l'infobox, plusieurs jours avant la fin effective de son mandat, le 16 mai 2007...

Tout cela est bien décourageant : en généralisant, je dirais volontiers que les wikipédiens sont une collection de débiles, mais ce serait profondément injuste. Il n'empêche de ce manque de jugeotte et cette superficialité ont le don de me mettre dans une colère noire, même si elle est prévisible.

dimanche 31 octobre 2010

L'AFP et le sens des proportions dans la présidentielle au Brésil

Dans une dépêche titrée « Présidentielle au Brésil: Dilma Rousseff "confiante" dans sa victoire » — telle que rapportée par le site LePoint.fr —, l'Agence France-Presse nous indique que Dilma Rousseff aurait « manqué de peu la victoire au premier tour », lorsqu'elle avait obtenu 47 % des suffrages exprimés, contre 33 % à son rival.

Tout cela est bien approximatif, mais est-ce franchement étonnant avec l'AFP ? Toujours est-il que cette dépêche est déplorable par au moins deux aspects :
  • on peut se demander, par exemple, si l'auteur de la dépêche a seulement pris la peine de consulter les résultats du premier tour de scrutin intervenu le 3 octobre. Cela lui aurait en effet permis de constater que la majorité absolue, ce jour-là, était aux environs de 50 795 077 voix et que, Dilma Rousseff ayant obtenu environ 47 651 434 voix, il est pour le moins abusif d'alléguer qu'elle aurait « manqué de peu la victoire au premier tour », alors qu'il lui avait manqué plus de trois millions de voix pour atteindre la majorité absolue (que la plupart des médias, avec une unanimité grotesque, lui avait pourtant prédite) ;
  • enfin, elle trouve le moyen d'évacuer l'existence, au premier tour — même si le sujet du jour est le second tour, où ne concourrent plus que les deux candidats arrivés en tête le 3 octobre —, d'une candidature non négligeable, à savoir celle de Marina Silva, soutenue par le Partido Verde, et qui avait obtenu plus de 19,6 millions de voix, représentant environ 19,33 % des suffrages exprimés. Souvenons-nous par exemple que le 6 mai 2007, lorsque l'élection présidentielle française avait opposé, au second tour, Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal, la quasi-totalité des médias, dans leurs articles de « dernière minute », rappelaient l'existence du « troisième homme », à savoir François Bayrou, dans le scrutin du 22 avril précédent.
Cela dit, tout n'est pas négatif dans cette dépêche : on remarquera par exemple que, par rapport à ce qu'on a pu voir ici ou là sur la « dauphine de Lula », la rédaction s'efforce de maintenir un certain équilibre dans la présentation des deux candidats en lice, sans montrer une préférence trop flagrante, même si on devine un certain préjugé favorable à « Dilma ».

samedi 16 octobre 2010

Les « violences morales » dans le feuilleton Bettencourt

On apprend aujourd'hui, de la bouche de Maître Pascal Wilhelm, un des avocats de Liliane Bettencourt, que celle-ci envisagerait de déposer, en début de semaine prochaine, une plainte contre sa fille Françoise Bettencourt Meters, pour « violences morales ». Cette plainte annoncée venant en quelque sorte remplacer la velléité antérieure de révocation de la donation consentie par la milliardaire de la nue-propriété de 180 millions d'actions de L'Oréal, révocation qu'un autre des avocats de la milliardaire, Maître Georges Kiejman, annonçait à l'époque comme motivée par une supposée « ingratitude » de la donataire (FMB).

S'exprimant au micro de la radio Europe 1, Maître Wilhelm nous explique que les violences morales seraient « une forme de délit très récente qui s'assimile aux violences physiques sauf qu'il s'agit de violences psychologiques essentiellement ».

La chose titille d'autant plus la curiosité qu'aucun détail ne nous est fourni sur les textes réprimant ledit délit. En cherchant, on trouve bien des dispositions pénales réprimant le harcèlement moral, dans le monde du travail, mais ces dispositions sont déjà anciennes, et ne sauraient s'appliquer au conflit opposant la mère et la fille dans l'affaire Bettencourt.

Plus récemment, on finit par dénicher la proposition de loi n° 2121, ennregistrés à la présidence de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2009, présentée par Danielle Bousquet, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression
des violences faites aux femmes. Cette proposition de loi a abouti à la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, loi qui, par son article 31, a abouti à la création, dans le Code pénal français, d'un article 222-14-3 rédigé ainsi : « Les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s'il s'agit de violences psychologiques. »

Fort bien. Reste que nous sommes toujours dans l'effet d'annonce, là, et Dieu sait que cette affaire à ramifications multiples n'en a pas manqué et n'en manquera pas encore. Et que le caractère effectif des supposées violences psychologiques qu'aurait exercé la fille sur la mère, avec ses trois demandes de mise sous tutelle, reste soumis à l'appréciation de la justice, en unique ressort. Les observateurs extérieurs, par ailleurs, ne sont pas obligés d'être convaincus par les explications de l'avocat, selon lequel la précédente riposte annoncée — la révocation de la donation — a été provisoirement abandonnée en raison d'un risque de déstabilisation du groupe L'Oréal...

Beaucoup de gens semblent naviguer à vue, dans ce feuilleton. Ce qui est étonnant, c'est qu'il n'y ait pas encore de livre, de site Web, que sais-je encore, répertoriant scrupuleusement toutes les péripéties, les compte-rendus publiés dans la presse, etc. La matière est en effet énorme, si j'en juge par mes propres archives sur le sujet (et elles sont très incomplètes...)

vendredi 15 octobre 2010

« Mon journal offert » : dérisoire, mesquin et malsain

Tout est dans le titre. Pour la deuxième « saison » consécutive, le ministère français de la Culture et de la Communication participe, aux côtés de 62 journaux quotidiens, à une opération de prétendue valorisation de la presse quotidienne, via l'offre de 200 000 abonnements d'un an à un quotidien de son choix, une fois par semaine, aux jeunes de 18 à 24 ans résidant en France.

La chose est censée traduire en actes la conclusion des états généraux de la presse écrite, le 23 janvier 2009, à l'issue desquels le président de la République avait retenu la proposition suivante : « Permettre à tout jeune de 18 ans de bénéficier, l’année de sa citoyenneté, d’un abonnement gratuit à un quotidien de son choix ».

Dérisoire ? Oui, parce que n'importe quel internaute — et pas seulement les jeunes majeurs à l'orée de leur citoyenneté — est techniquement en mesure, via certains forums de partage de fichiers, d'accéder rapidement et tout aussi gratuitement à des copies — certes illicites, mais sans le moindre risque personnel, puisque il n'y a pas recours aux protocoles de peer-to-peer — à des dizaines de quotidiens, hebdomadaires, bimensuels, mensuels, etc. en langue française, ainsi qu'à de nombreux ancien snuméros.

Mesquin ? Oui, puisqu'on appâte inutilement le chaland avec une proposition qui ne tient pas ses promesses. « Permettre à tout jeune de 18 ans de bénéficier, l’année de sa citoyenneté, d’un abonnement gratuit à un quotidien de son choix » laissait à penser au lecteur que l'abonnement promis serait un abonnement de plein exercice, et pas un abonnement limité à un numéro par semaine (le jour, fixe, étant de surcroît choisi par le staff du quotidien choisi) et que seules les 200 000 premières inscriptions sur le site Mon journal offert seront prises en compte.

Malsain ? Oui, pour toutes les raisons déjà indiquées ci-dessus. Mais aussi parce que les responsables politiques impliqués dans cette farce grotesque essaient de donner l'impression qu'ils s'intéressent aux jeunes, à leurs aspirations, à leurs espérances, etc., quand, da,s le même temps, ils ne tiennent absolument pas pas compte du fait que des centaines de milliers de ces jeunes n'hésitent pas à braver la loi en allant télécharger, via les protocoles peer-to-peer ou les sites de téléchargement direct, les musiques, films, séries télévisées, livres, logiciels, etc., adaptant au passage leur comportement aux coups de mentons hadopiesques et abandonnant en masse Emule et les logiciels de Torrent pour se reporter sur les sites de téléchargement direct, là où leurs activités de leechers et de seeders seront moins visibles des rapaces des majors et de leurs sbires politiciens.

Quel gâchis, au passage, si l'on songe que les socialistes, quant à eux, ont depuis longtemps pris en compte la donne liée aux habitudes de prétendu piratage — le partage de fichiers sur Internet — et ont proposé un système de financement et de rétribution des auteurs via une taxation des abonnements Internet. Personne n'est jamais venu prouver que leur proposition n'est pas viable. Alors que tout a déjà démontré, et viendra encore démontrer, que les âneries répressives « à la Hadopi » ne résoudront strictement rien, coûteront cher au contribuable et n'éradiqueront absolument pas les habitudes de partage des internautes.

Il faudrait un Hercule contemporain pour nettoyer les écuries d'Augias de cette classe politique qui ne comprend rien à rien. Que ce soit dans ce domaine ou dans d'autres qui défraient la chronique.

vendredi 24 septembre 2010

Le décès « a été prononcé »

C'est la perle du jour, due à un journaliste de l'Agence France-Presse dans une dépêche relative à l'exécution, par injection létale, de Teresa Lewis, hier soir, en Virginie.

Évidemment, tous les médias français ont répercuté l'expression sans réfléchir un instant que l'on ne saurait « prononcer » un fait qui vient de se produire, mais qu'on ne peut que le constater.

On prononce un jugement, un arrêt, une sentence, une décision, un anathème, une fatwa, une peine, une séparation de corps, un non-lieu, une main-levée, une cassation, une confiscation, un renvoi, un huis-clos, des vœux, etc.

samedi 11 septembre 2010

Peine de mort et réparation tardive

Ce billet est inspiré de la lecture d'un article de Corinne Lesnes, correspondante à Washington du quotidien Le Monde.

Dans cet article, titré « Peine demort en suspens faute de stock », paru dans l'édition datée du dimanche 12 septembre 2010, la journaliste rapporte, en annexe de développements sur la pénurie actuelle de thiopenthal sodique (utilisé pour la première des trois injections létales faites aux condamnés à mort exécutés selon ce mode aux États-Unis), que le gouverneur du Kentucky, Steven Beshear, confronté à la présence d'une seule dose de ce barbiturique dans les prisons de son État, dose censée être périmée le 1er octobre prochain, a décidé de ne surtout pas la perdre, en programmant au 16 septembre l'exécution d'un homme condamné à mort par la justice de son État il y a vingt-deux ans.

Que les choses soient claires : il ne me viendrait pas à l'esprit de vouloir contester aux 35 États fédérés (sur 50) qui recourent à la peine de mort aux États-Unis le droit de le faire. Philosophiquement, j'ai toujours été opposé à cette peine suprême dans l'arsenal juridique de répression des crimes, et n'ai pas changé d'un iota. Cela dit, je vois mal comment ne pas être choqué par le fait que l'on puisse laisser traîner un homme durant vingt-deux ans dans le « couloir de la mort » puis, subitement, décider d'appliquer cette peine.

La France ne manque certes pas de « bonnes consciences » promptes à s'indigner bruyamment de l'existence même de la peine de mort aux États-Unis, et qui seraient bien inspirées de la mettre en veilleuse, mais les États-Unis ne manquent pas non plus d'âmes charitables bien décidées à se mêler, à répétition, de ce qui ne les regarde pas, dans les affaires intérieures européennes et notamment françaises.

Cela ne m'empêchera pas, à titre strictement personnel, de dire que je trouve insensé que, pour assouvir un besoin de réparation, on puisse se montrer barbare au point de laisser différer aussi longtemps cette réparation. Imagine-t-on réellement que les proches de la ou des victimes de Gregory Wilson (le condamné du Kentucky, âgé de 53 ans), dont un ou plusieurs assisteront certainement à l'exécution, comme il est de coutume aux States, seront satisfaits par une réparation attendue aussi longtemps ? J'ai peine à le croire. La barbarie est institutionnelle, mais elle est aussi individuelle, par l'absence de protestations d'envergure contre ces anomalies.

Sans parler de l'immense hypocrisie du recours aux injections létales, censées être plus « humaines », par l'abrègement des souffrances du condamné exécuté (par rapport aux exécutions par pendaison ou par électrocution) quand, à côté de cela, on met savamment en scène la mise à mort, et que l'on permet, aussi abominables que ses crimes aient pu être, la torture morale d'un homme pendant un aussi grand nombre d'années.

mercredi 4 août 2010

BHL et les trois erreurs de Nicolas Sarkozy

Je dois être malade, puisque, après avoir très récemment approuvé les propos de Jack Lang en réaction à la décision du Conseil constitutionnel de censurer à terme cinq articles du code de procédure pénale relatifs à la garde à vue de droit commun, voilà que je me surprends à approuver les propos du philosophe Bernard-Henri Lévy, dans les colonnes du Monde, aujourd'hui (numéro daté du 5 août), au sein d'une tribune intitulée « Les trois erreurs de Nicolas Sarkozy ».

Dans cette tribune, BHL, que j'ai toujours trouvé, j'ignore pourquoi, extrêmement antipathique, dénonce trois choses :
  • la convocation à l'Élysée, le 28 juillet, d'une réunion censée aborder « la situation des Roms et des gens du voyage », et dans laquelle il voit implicitement une stigmatisation coupable de cette communauté, quelles que puissent être les erreurs individuelles de certains membres d'icelle, et sans que quiconque ait eu l'idée d'y inviter au moins un représentant des Roms ;
  • le discours martial de Nicolas Sarkozy à Grenoble, le 30 juillet, à l'occasion de l'installation du nouveau préfet de l'Isère, prétexte à d'ahurissantes propositions de modifications du code de la nationalité, qui ont toutes les chances d'être retoquées par le Conseil constitutionnel ;
  • et enfin l'usage, au cours du même discours, du terme « guerre » par le locataire de l'Élysée, ce qui témoignerait, selon le philosophe, d'un risque, par la dramatisation des choses, de la distillation dans le pays, par celui qui est censé assurer la cohésion du corps social, d'une « autre sorte de tension, de fièvre, peut-être de peur et, au fond, d'insécurité ».
Je ne résiste pas, pour finir, à une longue citation des deux paragraphes de conclusion écrits par BHL, puisqu'ils me semblent apporter une conclusion éclatante à l'ensemble de son propos :
Monter aux extrêmes donc, tenir le langage de la déchéance, de l'œil pour œil dent pour dent et de la guerre : ce ne sera jamais que la version sophistiquée du tristement fameux « casse toi, pauv'con » — et, l'exemple venant d'en haut, les comportements des citoyens s'indexant mystérieusement mais constamment sur ceux des princes, c'est la garantie d'une société fiévreuse, inapaisée, où chacun se dresse contre chacun et où le ressentiment et la haine seront très vite les derniers ciments du contrat social.

Ou éviter le piège, cesser de faire assaut de déclarations fracassantes, prétendument viriles et qui ne font, je le répète, que souligner l'impuissance des Etats, sortir, en un mot, du rang des matamores et de leur bouillante passion pour la rivalité mimétique et l'esprit de revanche – et s'en aller fouiller dans l'autre corps, celui qui, selon l'historien américain Ernst Kantorowicz (1895-1963), est fait, non de passion, mais de distance, pour y puiser audace, fermeté, mais aussi sagesse, finesse, mesure et, surtout, sang-froid. Ce sont, en la circonstance, les seules vertus qui vaillent. Mais ce sont celles dont Nicolas Sarkozy paraît, hélas !, ces jours-ci, le plus tragiquement dépourvu.

Edit du 4 août vers 18:20 (CEST) : Quitte à jouer au jeu de la citation, Bernard-Henri Lévy eut pu tout aussi bien citer, dans un registre pourtant très différent de prime abord, les propos de l'historienne italienne Benedetta Craveri qui, dans sa préface à la réédition, en 1993, du livre Vie privée du maréchal de Richelieu: contenant ses amours et intrigues, et tout ce qui a rapport aux divers rôles qu'a joués cet homme célèbre pendant plus de quatre-vingts ans (mémoires apocryphes du cardinal), de Louis-François Faur (éditions Desjonquières, coll. « XVIIIe siècle », Paris, 1993, 190 p., ISBN 2-904227-74-1), écrivait à propos de l'histoire, qu'elle était un
« vaste théâtre sur lequel, de génération en génération, une dynastie d'acteurs privilégiés avait accès aux mêmes rôles : le courtisan, le politique, le diplomate, le soldat, l'homme du monde. Y parvenir était le fruit de la volonté et de la discipline exigeant ambition, finesse, pénétration, endurance et audace. Les bien remplir réclamait du talent. ».
Les deux dernières phrases, à mon avis, prennent aujourd'hui une singulière résonnance, même si, de fait, elles ont probablement une pertinence intemporelle...

dimanche 1 août 2010

Mougeotte, Le Figaro, @rrêt sur images... et Wikipédia

Je rapportais, il y a quelques heures, en annexe de mon billet « LeFigaro.fr, le Conseil constitutionnel et la garde à vue », l'existence d'un communiqué de la Société des journalistes du Figaro, diffusé autour du 21 juillet, et qui semble avoir été initialement publié — ou simplement évoqué — dans les colonnes du Canard enchaîné, si l'on en croit le site @rrêt sur images, qui en fait la matière d'une brêve, le 22 juillet, titrée « Figaro / PV tronqué Thibout : les journalistes contre Mougeotte ».

Là où ça se corse, c'est que @rrêt sur images semble commettre une grossière erreur, en attribuant à la SDJ des accusations contre Étienne Mougeottte (accusations non vérifiées et orientation de témoignage), alors que tout laisse à penser que, en réalité, le communiqué du SDJ, s'il fait trois effectivement reproches au directeur des rédactions du Figaro :
  • avoir publié un « PV tronqué (...) assorti d’un article non signé, qui participait à l’évidence de la stratégie de communication élaborée à l’Elysée ,
  • avoir lui-même (Étienne Mougeotte) reproché à Mediapart d'avoir « dérogé à deux règles de l'art » (publication d'accusations non vérifiées et orientation d'un témoignage),
  • ne pas avoir impliqué les journalistes Cyrille Louis et Mathieu Delahousse, chargés du suivi de cette affaire, dans la vérification des informations que la SDJ tient pour téléguidées par l'Élysée.
Voici comment cela se présente encore à l'heure actuelle sur arretsurimages.net, dans la brêvbe « Figaro / PV tronqué Thibout : les journalistes contre Mougeotte » :
[...] Dans un communiqué cinglant, repris par Le Canard enchaîné du 21 juillet, la SDJ dénonce "un PV tronqué, assorti d'un article non signé, qui participait à l'évidence de la stratégie de communication de l'Elysée". Mougeotte est directement mis en cause : "Il a publié des accusations sans les avoir vérifiées. Il a orienté le témoignage de l'ancienne comptable pour lui faire dire autre chose que ce qu'elle voulait dire". Par ailleurs, la SDJ regrette que les journalistes en charge du dossier n'aient "pas été avertis du scoop sur lequel la direction venait de mettre la main".
La première partie était conforme au communiqué intégral, tel que je l'ai trouvé à deux endroits sur le Web et conforme aussi au compte-rendu fait par la journaliste Julie Saulnier, qui a fait un article sur le sujet, le 26 juillet, sur le site Lexpress.fr. J'ai mis en emphase grasse la partie du communiqué interprétée de façon erronée par @rrêt sur images.

Là où cela devient encore plus gênant, c'est lorsqu'on voit la chose, il y a trois heures, plus ou moins répercutée sur Wikipédia, dans l'article « Affaire Woerth-Bettencourt », sans précaution et sans vérification minimale, dans les termes suivants :
La société des journalistes du Figaro parlent à propos d'un article publié dans leur journal de « PV tronqué, assorti d'un article non signé, qui participait à l'évidence de la stratégie de communication de l'Elysée », et de témoignage de l'ancienne comptable « orienté » « pour lui faire dire autre chose que ce qu'elle voulait dire ».
Certes, l'erreur est plus ou mois atténuée par rapport à l'erreur initiale trouvée sur le site @rrêt sur images, puisque le rédacteur wikipédien ne dit pas explicitement que Le Figaro aurait publié un témoignage orienté de Claire Thibout, ni qu'il lui aurait fait dire autre chose que ce qu'elle voulait dire. Mais c'est sous-entendu, surtout lorsque cet ajout est suivi d'une référence à la brêve du site @rrêt sur images.

Plutôt que de m'énerver, je crois plus utile de montrer l'erreur, et de renvoyer à la conclusion de mon, billet du 19 juillet, « Du danger de vouloir « couvrir » trop vite l'actualité » : « Tout cela pour dire qu'on peut être habitué à lire abondamment les médias et, par inattention, laisser passer de grossières erreurs, et que, dans certains cas, cela peut avoir des conséquences gênantes... »

samedi 31 juillet 2010

LeFigaro.fr, le Conseil constitutionnel et la garde à vue

Nouveau billet motivé par la montée en première ligne du Conseil constitutionnel, hier, dans le débat politico-judiciaire sur le régime de la garde à vue de droit commun, avec censure programmée de cinq articles du code de procédure pénale, prenant effet au 1er juillet 2011.

Si de nombreux titres de presse ont accordé à cet événement une place de choix, alors que l'actualité n'est pourtant pas avare de faits intéressants, on remarquera la place plus que discrète accordée par le site LeFigaro.fr à la déclaration d'inconstitutionnalité, par le Conseil constitutionnel, de tout un pan du Code de procédure pénale consacré au régime de la garde à vue de droit commun.

Certes, on y trouve un article de Bastien Hugues, publié vendredi en fin d'après-midi, titré « Les Sages exigent une réforme de la garde à vue », mais ce qui est franchement remarquable, c'est la page d'accueil du site LeFigaro.fr, qui, à l'heure où j'écris, relègue la nouvelle en 21e position, après les titres suivants 
  • La France s'offre deux nouvelles médailles d'or ;
  • Athlétisme : les quatre raisons du renouveau tricolore ;
  • Retour à la normale sur la route des vacances ;
  • Chavez déploie des troupes à la frontière avec la Colombie ;
  • La Russie ravagée par des feux de forêt ;
  • Le comédien Philippe Avron est mort ;
  • Dernier jour pour les plans
    de dégraissage des ministères ;
  • Baisse des départs à la retraite en 2009 ;
  • Délinquance : les propos de Sarkozy choquent l'opposition ;
  • Sécurité : la garde rapprochée de Sarkozy ;
  • Insécurité : «C'était intenable, nous sommes partis» ;
  • Un octogénaire séquestré par sa famille ;
  • Polémique autour des centres de consommation de drogues ;
  • Love Parade: Duisbourg honore ses morts ;
  • Vettel s'offre une nouvelle pole position 
  • De plus en plus de femmes proxénètes en France ;
  • PPR : Pinault maintient le cap vers le luxe ;
  • Le Cléac'h s'impose à Gijon ;
  • La rupture entre Silvio Berlusconi et Gianfranco Fini est consommée ;
  • Des centaines de morts dans des inondations au Pakistan.
D'aucuns argüeront, probablement, que LeFigaro.fr est victime d'un supposé système d'indexation de nouvelles en fonction de leur caractère « brûlant » et des nécessités d'une actualité vitale — genre « Baisse des départs à la retraite en 2009 » ou « De plus en plus de femmes proxénètes en France », par exemple ? —, mais il est probable que quelques mauvaises langues y verront au contraire la patte d'un intervenant haut placé dans l'encadrement de ce site, à moins que cela n'entraîne, mais avec quinze jours de retard, un communiqué de protestation de la Société des journalistes du Figaro, que l'on n'a malheureusement guère vu reproduit dans son intégralité, dans les médias, bien qu'il fût du plus haut intérêt :
Chers Confrères,

Le Figaro est aujourd’hui publiquement mis en cause pour avoir publié, sur son site internet le jeudi 8 juillet, et à la Une de son Quotidien, le vendredi 9 juillet, un morceau choisi du procès-verbal de l’audition de l’ex-comptable de Mme Bettencourt. Ce PV tronqué fut assorti d’un article non signé, qui participait à l’évidence de la stratégie de communication élaborée à l’Elysée.

Dans cette même édition du 9 juillet dernier, le directeur des Rédactions, Etienne Mougeotte, dans son éditorial de Une, reprochait au site Mediapart d’avoir « dérogé à deux règles de l’art. Il a publié des accusations sans les avoirs vérifiées. Il a orienté le témoignage de l’ancienne comptable de Mme Bettencourt pour lui faire dire autre chose que ce qu’elle voulait dire ».

Au nom de ce même « art » journalistique, les gérants de la Société des Journalistes du Figaro, à la demande de nombreux confrères, rappellent quelques règles de notre profession :
  • Les articles doivent être signés, c’est-à-dire assumés par leur auteur.
  • L’expérience a démontré que les journalistes en charge d’un dossier sont généralement les mieux à même pour jauger la pertinence d’une information nouvelle. Dans l’affaire présente, la SDJ déplore que ni Cyril Louis, ni Mathieu Delahousse, qui suivaient ce dossier, n’aient été avertis du « scoop » sur lequel la direction venait de mettre la main.
  • Rappelons enfin que les informations doivent d’abord être vérifiées, puis exposées dans leur globalité et replacées dans leur contexte. C’est notamment le B.a.-ba pour tout journaliste du service Info Géné que de considérer les procès-verbaux dans leur intégralité. Sinon, le journaliste prendrait le risque d’orienter les débats et de faire dire au témoin autre chose que ce qu’il voulait dire.
Confraternellement.
Les gérants de SDJ du Figaro
N'ayant pas eu le communiqué en main, je ne saurais garantir l'exactitude de l'orthographe — il y a notamment une faute, répétée, sur le prénom du journaliste Cyrille Louis —, de la typographie et de la mise en page.

Jack Lang, le Conseil constitutionnel... et le reste

Étonnant : cela fait une bonne vingtaine d'années que je « déteste » littéralement Jack Lang — ou que j'affecte de le détester, qui sait ? —, d'une manière que je croyais « viscérale » jusqu'ici, pour des raisons que je ne détaillerai pas, et voilà que je me surprends à approuver de bout en bout les positions qu'il a exprimées dans un entretien accordé au Monde et publié le 30 juillet (numéro daté du 31 juillet).

Pour résumer, un petite tartine inspirée — et augmentée — de ce que je viens d'ajouter à l'article Conseil constitutionnel (France), sur Wikipédia, dans sa section « Le veto parlementaire » :
Jack Lang, ancien ministre socialiste de la Culture et de l'Éducation, membre du comité Balladur ayant inspiré la loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, se félicite, dans un entretien accordé au Monde le 30 juillet 2010, que le Conseil constitutionnel ait, selon lui, « littéralement changé de nature » et, grâce aux questions prioritaires de constitutionnalité, permette « un réexamen serein de la conformité de nos lois aux droits fondamentaux ». Il propose de compléter cette évolution majeure en donnant au conseil « un véritable statut de cour suprême », s'accompagnant d'un changement du mode de nomination des conseillers, qui seraient directement « élus par le Parlement à une majorité des trois cinquièmes » et parmi lesquels ne siègeraient plus de droit les anciens présidents de la République, disposition dans laquelle il voit « une survivance du passé ».
Le timing de cette intervention avait dû être minutieusement calculé, puisque ledit Conseil constitutionnel se réunissait en séance plénière le matin même et publait, vers 15 heures, sa décision « historique » sur le régime de la garde à vue de droit commun, et déclarait inconstitutionnels, avec effet au 1er juillet 2011, quatre articles du Code de procédure pénale et six alinéas d'un cinquième article.
Petit florilège de réactions du monde politique et judiciaire sur le caractère « historique » de la décision du Conseil constitutionnel, en lisant les pages :
On remarquera au passage que le Conseil semble vouloir implicitement accréditer la thèse de Jack Lang sur la « survivance du passé » que constituerait la présence en son sein des anciens présidents de la République puisque, heureux hasard, ni Jacques Chirac ni Valéry Giscard d'Estaing, membres de droit, n'ont assisté à cette réunion plénière du 30 juillet.

On pourra en outre pardonner à Jack Lang le petit élan de vanité qui le pousse à rappeler que la « révolution judiciaire » du moment a été grandement facilitée, il y a deux ans, par son vote favorable à la révision constitutionnelle, lors du scrutin public au Congrès du Parlement, le 21 juillet 2008 : « Je suis heureux que, par mon engagement, certaines idées constitutionnelles de la gauche soient intégrées dans le droit positif et que mon vote ait permis l'adoption de la révision. » (entretien accordé au Monde) et « Par mon vote positif de la révision constitutionnelle (en 2008, ndlr), je suis fier et heureux d'avoir pu contribuer à ouvrir cette voie nouvelle de contrôle de la constitutionnalité des lois » (communiqué rapporté par NouvelObs.com).

Rappelons quand même, bien que Jack Lang n'ait jamais prétendu avoir été le seul à aider à faire passer cette réforme constitutionnelle, que la majorité des trois cinquièmes, exigée en pareil cas, fut dépassée de justesse — 896 suffrages exprimés, majorité requise de 538 voix, 539 pour et 357 contre —, grâce aux votes conjoints de Jack Lang et de Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale et président de séance du Congrès, le 21 juillet 2008, alors que, d'ordinaire, un président de séance ne prend pas part aux votes...

Pour finir, prenons date au sujet de l'identité du futur Défenseur des droits, institution créée lors de la fameuse révision constitutionnelle, qui a introduit dans la constitution un article 71-1 pas encore entré en vigueur, faute de loi organique pour son application. Lorsque les journalistes du Monde rappellent à Jack Lang que l'on a dit que « ce poste était taillé sur mesure » pour lui et lui demandent s'il est candidat, l'ancien ministre répond : « Je ne vais pas me plaindre qu'on me prête des vies imaginaires. Mes horizons me portent aujourd'hui vers l'action internationale. Je ne suis candidat à rien de tel. ».

Souvenons-nous quand même des nombreuses fois, depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Élysée et singulièrement depuis l'été 2008, où l'on a annoncé une possible prise de choix, dans la stratégie d'ouverture sarkozienne, qui consisterait en la nomination de Jack Lang à un poste prestigieux (comme le furent les nominations de Bernard Kouchner au ministère des Affaires étrangères, ou encore de Dominique Strauss-Kahn à la direction générale du Fonds monétaire international). Nous verrons bien, le moment venu, si Jack Lang refuse ou pas de jouer les gros poissons dans l'épuisette du sieur Sarkozy, ou si d'autres sirènes se montreront plus attirantes...