samedi 31 juillet 2010

Jack Lang, le Conseil constitutionnel... et le reste

Étonnant : cela fait une bonne vingtaine d'années que je « déteste » littéralement Jack Lang — ou que j'affecte de le détester, qui sait ? —, d'une manière que je croyais « viscérale » jusqu'ici, pour des raisons que je ne détaillerai pas, et voilà que je me surprends à approuver de bout en bout les positions qu'il a exprimées dans un entretien accordé au Monde et publié le 30 juillet (numéro daté du 31 juillet).

Pour résumer, un petite tartine inspirée — et augmentée — de ce que je viens d'ajouter à l'article Conseil constitutionnel (France), sur Wikipédia, dans sa section « Le veto parlementaire » :
Jack Lang, ancien ministre socialiste de la Culture et de l'Éducation, membre du comité Balladur ayant inspiré la loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, se félicite, dans un entretien accordé au Monde le 30 juillet 2010, que le Conseil constitutionnel ait, selon lui, « littéralement changé de nature » et, grâce aux questions prioritaires de constitutionnalité, permette « un réexamen serein de la conformité de nos lois aux droits fondamentaux ». Il propose de compléter cette évolution majeure en donnant au conseil « un véritable statut de cour suprême », s'accompagnant d'un changement du mode de nomination des conseillers, qui seraient directement « élus par le Parlement à une majorité des trois cinquièmes » et parmi lesquels ne siègeraient plus de droit les anciens présidents de la République, disposition dans laquelle il voit « une survivance du passé ».
Le timing de cette intervention avait dû être minutieusement calculé, puisque ledit Conseil constitutionnel se réunissait en séance plénière le matin même et publait, vers 15 heures, sa décision « historique » sur le régime de la garde à vue de droit commun, et déclarait inconstitutionnels, avec effet au 1er juillet 2011, quatre articles du Code de procédure pénale et six alinéas d'un cinquième article.
Petit florilège de réactions du monde politique et judiciaire sur le caractère « historique » de la décision du Conseil constitutionnel, en lisant les pages :
On remarquera au passage que le Conseil semble vouloir implicitement accréditer la thèse de Jack Lang sur la « survivance du passé » que constituerait la présence en son sein des anciens présidents de la République puisque, heureux hasard, ni Jacques Chirac ni Valéry Giscard d'Estaing, membres de droit, n'ont assisté à cette réunion plénière du 30 juillet.

On pourra en outre pardonner à Jack Lang le petit élan de vanité qui le pousse à rappeler que la « révolution judiciaire » du moment a été grandement facilitée, il y a deux ans, par son vote favorable à la révision constitutionnelle, lors du scrutin public au Congrès du Parlement, le 21 juillet 2008 : « Je suis heureux que, par mon engagement, certaines idées constitutionnelles de la gauche soient intégrées dans le droit positif et que mon vote ait permis l'adoption de la révision. » (entretien accordé au Monde) et « Par mon vote positif de la révision constitutionnelle (en 2008, ndlr), je suis fier et heureux d'avoir pu contribuer à ouvrir cette voie nouvelle de contrôle de la constitutionnalité des lois » (communiqué rapporté par NouvelObs.com).

Rappelons quand même, bien que Jack Lang n'ait jamais prétendu avoir été le seul à aider à faire passer cette réforme constitutionnelle, que la majorité des trois cinquièmes, exigée en pareil cas, fut dépassée de justesse — 896 suffrages exprimés, majorité requise de 538 voix, 539 pour et 357 contre —, grâce aux votes conjoints de Jack Lang et de Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale et président de séance du Congrès, le 21 juillet 2008, alors que, d'ordinaire, un président de séance ne prend pas part aux votes...

Pour finir, prenons date au sujet de l'identité du futur Défenseur des droits, institution créée lors de la fameuse révision constitutionnelle, qui a introduit dans la constitution un article 71-1 pas encore entré en vigueur, faute de loi organique pour son application. Lorsque les journalistes du Monde rappellent à Jack Lang que l'on a dit que « ce poste était taillé sur mesure » pour lui et lui demandent s'il est candidat, l'ancien ministre répond : « Je ne vais pas me plaindre qu'on me prête des vies imaginaires. Mes horizons me portent aujourd'hui vers l'action internationale. Je ne suis candidat à rien de tel. ».

Souvenons-nous quand même des nombreuses fois, depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Élysée et singulièrement depuis l'été 2008, où l'on a annoncé une possible prise de choix, dans la stratégie d'ouverture sarkozienne, qui consisterait en la nomination de Jack Lang à un poste prestigieux (comme le furent les nominations de Bernard Kouchner au ministère des Affaires étrangères, ou encore de Dominique Strauss-Kahn à la direction générale du Fonds monétaire international). Nous verrons bien, le moment venu, si Jack Lang refuse ou pas de jouer les gros poissons dans l'épuisette du sieur Sarkozy, ou si d'autres sirènes se montreront plus attirantes...

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