samedi 31 juillet 2010

LeFigaro.fr, le Conseil constitutionnel et la garde à vue

Nouveau billet motivé par la montée en première ligne du Conseil constitutionnel, hier, dans le débat politico-judiciaire sur le régime de la garde à vue de droit commun, avec censure programmée de cinq articles du code de procédure pénale, prenant effet au 1er juillet 2011.

Si de nombreux titres de presse ont accordé à cet événement une place de choix, alors que l'actualité n'est pourtant pas avare de faits intéressants, on remarquera la place plus que discrète accordée par le site LeFigaro.fr à la déclaration d'inconstitutionnalité, par le Conseil constitutionnel, de tout un pan du Code de procédure pénale consacré au régime de la garde à vue de droit commun.

Certes, on y trouve un article de Bastien Hugues, publié vendredi en fin d'après-midi, titré « Les Sages exigent une réforme de la garde à vue », mais ce qui est franchement remarquable, c'est la page d'accueil du site LeFigaro.fr, qui, à l'heure où j'écris, relègue la nouvelle en 21e position, après les titres suivants 
  • La France s'offre deux nouvelles médailles d'or ;
  • Athlétisme : les quatre raisons du renouveau tricolore ;
  • Retour à la normale sur la route des vacances ;
  • Chavez déploie des troupes à la frontière avec la Colombie ;
  • La Russie ravagée par des feux de forêt ;
  • Le comédien Philippe Avron est mort ;
  • Dernier jour pour les plans
    de dégraissage des ministères ;
  • Baisse des départs à la retraite en 2009 ;
  • Délinquance : les propos de Sarkozy choquent l'opposition ;
  • Sécurité : la garde rapprochée de Sarkozy ;
  • Insécurité : «C'était intenable, nous sommes partis» ;
  • Un octogénaire séquestré par sa famille ;
  • Polémique autour des centres de consommation de drogues ;
  • Love Parade: Duisbourg honore ses morts ;
  • Vettel s'offre une nouvelle pole position 
  • De plus en plus de femmes proxénètes en France ;
  • PPR : Pinault maintient le cap vers le luxe ;
  • Le Cléac'h s'impose à Gijon ;
  • La rupture entre Silvio Berlusconi et Gianfranco Fini est consommée ;
  • Des centaines de morts dans des inondations au Pakistan.
D'aucuns argüeront, probablement, que LeFigaro.fr est victime d'un supposé système d'indexation de nouvelles en fonction de leur caractère « brûlant » et des nécessités d'une actualité vitale — genre « Baisse des départs à la retraite en 2009 » ou « De plus en plus de femmes proxénètes en France », par exemple ? —, mais il est probable que quelques mauvaises langues y verront au contraire la patte d'un intervenant haut placé dans l'encadrement de ce site, à moins que cela n'entraîne, mais avec quinze jours de retard, un communiqué de protestation de la Société des journalistes du Figaro, que l'on n'a malheureusement guère vu reproduit dans son intégralité, dans les médias, bien qu'il fût du plus haut intérêt :
Chers Confrères,

Le Figaro est aujourd’hui publiquement mis en cause pour avoir publié, sur son site internet le jeudi 8 juillet, et à la Une de son Quotidien, le vendredi 9 juillet, un morceau choisi du procès-verbal de l’audition de l’ex-comptable de Mme Bettencourt. Ce PV tronqué fut assorti d’un article non signé, qui participait à l’évidence de la stratégie de communication élaborée à l’Elysée.

Dans cette même édition du 9 juillet dernier, le directeur des Rédactions, Etienne Mougeotte, dans son éditorial de Une, reprochait au site Mediapart d’avoir « dérogé à deux règles de l’art. Il a publié des accusations sans les avoirs vérifiées. Il a orienté le témoignage de l’ancienne comptable de Mme Bettencourt pour lui faire dire autre chose que ce qu’elle voulait dire ».

Au nom de ce même « art » journalistique, les gérants de la Société des Journalistes du Figaro, à la demande de nombreux confrères, rappellent quelques règles de notre profession :
  • Les articles doivent être signés, c’est-à-dire assumés par leur auteur.
  • L’expérience a démontré que les journalistes en charge d’un dossier sont généralement les mieux à même pour jauger la pertinence d’une information nouvelle. Dans l’affaire présente, la SDJ déplore que ni Cyril Louis, ni Mathieu Delahousse, qui suivaient ce dossier, n’aient été avertis du « scoop » sur lequel la direction venait de mettre la main.
  • Rappelons enfin que les informations doivent d’abord être vérifiées, puis exposées dans leur globalité et replacées dans leur contexte. C’est notamment le B.a.-ba pour tout journaliste du service Info Géné que de considérer les procès-verbaux dans leur intégralité. Sinon, le journaliste prendrait le risque d’orienter les débats et de faire dire au témoin autre chose que ce qu’il voulait dire.
Confraternellement.
Les gérants de SDJ du Figaro
N'ayant pas eu le communiqué en main, je ne saurais garantir l'exactitude de l'orthographe — il y a notamment une faute, répétée, sur le prénom du journaliste Cyrille Louis —, de la typographie et de la mise en page.

Jack Lang, le Conseil constitutionnel... et le reste

Étonnant : cela fait une bonne vingtaine d'années que je « déteste » littéralement Jack Lang — ou que j'affecte de le détester, qui sait ? —, d'une manière que je croyais « viscérale » jusqu'ici, pour des raisons que je ne détaillerai pas, et voilà que je me surprends à approuver de bout en bout les positions qu'il a exprimées dans un entretien accordé au Monde et publié le 30 juillet (numéro daté du 31 juillet).

Pour résumer, un petite tartine inspirée — et augmentée — de ce que je viens d'ajouter à l'article Conseil constitutionnel (France), sur Wikipédia, dans sa section « Le veto parlementaire » :
Jack Lang, ancien ministre socialiste de la Culture et de l'Éducation, membre du comité Balladur ayant inspiré la loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, se félicite, dans un entretien accordé au Monde le 30 juillet 2010, que le Conseil constitutionnel ait, selon lui, « littéralement changé de nature » et, grâce aux questions prioritaires de constitutionnalité, permette « un réexamen serein de la conformité de nos lois aux droits fondamentaux ». Il propose de compléter cette évolution majeure en donnant au conseil « un véritable statut de cour suprême », s'accompagnant d'un changement du mode de nomination des conseillers, qui seraient directement « élus par le Parlement à une majorité des trois cinquièmes » et parmi lesquels ne siègeraient plus de droit les anciens présidents de la République, disposition dans laquelle il voit « une survivance du passé ».
Le timing de cette intervention avait dû être minutieusement calculé, puisque ledit Conseil constitutionnel se réunissait en séance plénière le matin même et publait, vers 15 heures, sa décision « historique » sur le régime de la garde à vue de droit commun, et déclarait inconstitutionnels, avec effet au 1er juillet 2011, quatre articles du Code de procédure pénale et six alinéas d'un cinquième article.
Petit florilège de réactions du monde politique et judiciaire sur le caractère « historique » de la décision du Conseil constitutionnel, en lisant les pages :
On remarquera au passage que le Conseil semble vouloir implicitement accréditer la thèse de Jack Lang sur la « survivance du passé » que constituerait la présence en son sein des anciens présidents de la République puisque, heureux hasard, ni Jacques Chirac ni Valéry Giscard d'Estaing, membres de droit, n'ont assisté à cette réunion plénière du 30 juillet.

On pourra en outre pardonner à Jack Lang le petit élan de vanité qui le pousse à rappeler que la « révolution judiciaire » du moment a été grandement facilitée, il y a deux ans, par son vote favorable à la révision constitutionnelle, lors du scrutin public au Congrès du Parlement, le 21 juillet 2008 : « Je suis heureux que, par mon engagement, certaines idées constitutionnelles de la gauche soient intégrées dans le droit positif et que mon vote ait permis l'adoption de la révision. » (entretien accordé au Monde) et « Par mon vote positif de la révision constitutionnelle (en 2008, ndlr), je suis fier et heureux d'avoir pu contribuer à ouvrir cette voie nouvelle de contrôle de la constitutionnalité des lois » (communiqué rapporté par NouvelObs.com).

Rappelons quand même, bien que Jack Lang n'ait jamais prétendu avoir été le seul à aider à faire passer cette réforme constitutionnelle, que la majorité des trois cinquièmes, exigée en pareil cas, fut dépassée de justesse — 896 suffrages exprimés, majorité requise de 538 voix, 539 pour et 357 contre —, grâce aux votes conjoints de Jack Lang et de Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale et président de séance du Congrès, le 21 juillet 2008, alors que, d'ordinaire, un président de séance ne prend pas part aux votes...

Pour finir, prenons date au sujet de l'identité du futur Défenseur des droits, institution créée lors de la fameuse révision constitutionnelle, qui a introduit dans la constitution un article 71-1 pas encore entré en vigueur, faute de loi organique pour son application. Lorsque les journalistes du Monde rappellent à Jack Lang que l'on a dit que « ce poste était taillé sur mesure » pour lui et lui demandent s'il est candidat, l'ancien ministre répond : « Je ne vais pas me plaindre qu'on me prête des vies imaginaires. Mes horizons me portent aujourd'hui vers l'action internationale. Je ne suis candidat à rien de tel. ».

Souvenons-nous quand même des nombreuses fois, depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Élysée et singulièrement depuis l'été 2008, où l'on a annoncé une possible prise de choix, dans la stratégie d'ouverture sarkozienne, qui consisterait en la nomination de Jack Lang à un poste prestigieux (comme le furent les nominations de Bernard Kouchner au ministère des Affaires étrangères, ou encore de Dominique Strauss-Kahn à la direction générale du Fonds monétaire international). Nous verrons bien, le moment venu, si Jack Lang refuse ou pas de jouer les gros poissons dans l'épuisette du sieur Sarkozy, ou si d'autres sirènes se montreront plus attirantes...

L'eurodéputé Mélenchon ferait mieux de se taire

Selon Jean-Luc Mélenchon, co-fondateur et président du Bureau national du Parti de gauche, « Le président devrait prendre garde que sa condition de fils d'immigré ne permette pas demain de le déchoir de sa nationalité s'il venait à être poursuivi ou condamné, à tort ou à raison, du fait des conséquences de ses accointances avec les milieux d'affaires. » (cf. Lemonde.fr), croyant ironiser, visiblement, sur le glissement sécuritaire de la politique de Nicolas Sarkozy, et sur son implication supposée dans diverses affaires politico-financières qui défraient la chronique.

Ce pourrait être de bonne guerre, compte tenu de la réprobation qu'inspirent à certains opposants les actes du locataires de l'Élysée, si le sénateur de l'Essonne l'eurodéputé ne se livrait pas au passage à une approximation de taille.

En effet, Nicolas Sarkozy, dans son discours d'installation du nouveau préfet de l'Isère, aujourd'hui à Grenoble, a parlé de « réévaluer les motifs pouvant donner lieu à la déchéance de la nationalité française » et indiqué que, selon ses vues, « La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme ou de toute personne dépositaire de l'autorité publique. ».

Pour autant, une éventuelle révision du Code de la nationalité — projet de révision dont on ne connaît même pas les détails, et qui devrait encore être soumise à un examen législatif laborieux, sans parler de l'infiniment probable examen final par le Conseil constitutionnel — et l'on sait que celui-ci n'est pas toujours très tendre avec nos gouvernants, ces temps-ci, notamment grâce à ses nouveaux pouvoirs relatifs aux questions prioritaires de constitutionnalité —, n'impliquerait, dans aucun cas de figure, qu'une (très) hypothétique condamnation en justice de l'actuel président de la République puisse un jour déboucher sur une déchéance de sa nationalité française, du fait de sa naissance dans le foyer d'un homme, Pal Sarközy de Nagy-Bocsa (né en 1928), naturalisé Français à une date indéterminée après son engagement dans la Légion étrangère.

M. Mélenchon semble en effet « oublier » que la mère de Nicolas Sarkozy, Andrée Mallah (née en 1925) est Française et née de mère elle-même Française, et que la nationalité française du président, quelles que puissent être les vicissitudes hypothétiques de l'histoire, ne saurait disparaître, compte tenu du fait que rien n'indique qu'Adèle Bouvier (1891-1956), grand-mère maternelle de M. Sarkozy, ait pu renoncer à sa nationalité française lorsqu'elle épousa, en 1917, Bénédict Mallah (1890- ?), et que le droit du sang est inscrit dans le Code civil depuis 1804.

Manifester son opposition, c'est normal quand on est un opposant. Le faire avec finesse et sans rechercher des effets d'orateur grisé par son pupitre, c'est encore mieux...

Edit du 31 juillet vers 17 heures : on me fait remarquer que M. Mélenchon a opté pour le mandat de député européen — ce que j'avais complètement oublié —, je rectifie donc bien volontiers mon erreur.

dimanche 25 juillet 2010

« Mme Bettencourt souhaitait simplement s'acheter une bague »

C'est l'explication donnée par Patrice de Maistre, aujourd'hui, dans le Journal du Dimanche, à certaines demandes d'argent liquide formulées par Liliane Bettencourt auprès de ses banquiers, directement ou par l'intermédiaire de sa comptable Claire Thibout :
Laurent Valdiguié (Le Journal du Dimanche) : L'enquête a permis de découvrir une demande de 500.000 euros à la banque Dexia fin 2006… La banque a refusé de sortir une telle somme. S'agissait-il d'une demande liée au financement de la campagne présidentielle?

Patrice de Maistre : Tout ceci relève du fantasme. La maison Bettencourt affiche un train de vie extraordinairement élevé. Je vous rappelle que Claire Thibout a au moins une fois refusé 400.000 euros à Madame Bettencourt dénonçant que cet argent irait à Banier: Madame Bettencourt souhaitait simplement s'acheter une bague… Je ne m'occupais pas de l'argent personnel des Bettencourt mais je remarque que ce retrait important semble intervenir à quelques jours de Noël.

Source : Le Journal du Dimanche, 25 juillet 2010.
Patrice de Maistre semble donc dire que cette demande de délivrance d'une somme de 500 000 euros, à quelques jours de Noël, devait servir à l'achat d'une bague. Or, chose étrange, sur une fiche pratique du site economie.gouv.fr, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes indique que :
« Pour les particuliers qui n'exercent pas de profession commerciale, les paiements en espèces sont autorisés pour toute transaction dont le montant, TVA comprise, ne dépasse pas 3 000 euros. Au-delà, le paiement par chèque barré d'avance, virement bancaire ou postal, carte de paiement ou de crédit est obligatoire. » et que le non respect de ces règles pourrait « entraîner une amende pouvant atteindre 15 000 euros ».
Doit-on comprendre que Patrice de Maistre nie que Liliane Bettencourt ait voulu agir illégalement dans un domaine (financement illégal d'activités politiques) mais reconnaîtrait parallèlement une tentative d'action tout aussi illégale au regard des règles financières françaises ? Tout cela mériterait des éclaircissements...

lundi 19 juillet 2010

Du danger de vouloir « couvrir » trop vite l'actualité

On en trouvera un exemple dans l'article Françoise Bettencourt-Meyers, pour la rédaction duquel une lecture hâtive et inattentive de la presse a fait écrire à une contributrice, le 22 juin dernier, que Liliane Bettencourt aurait « porté plainte contre sa fille », ce qui n'est évidemment pas le cas, l'article servant de source, sur le site LeParisien.fr, ne disant absolument pas une telle chose.

Les seules choses assurées, et notablement différentes, sont les suivantes :
  • la milliardaire a d'un côté déposé une plainte officielle, le 18 juin(1), pour « atteinte à la vie privée », « vol » et « faux témoignages », bien que les médias aient annoncé cette plainte deux jours auparavant
  • seules des personnes autres que Françoise Bettencourt-Meyers ont été gardées à vue dans cette affaire, dès le 16 juin, ce qui n'aurait probablement pas été le cas si la fille de la milliardaire avait été nommée dans la plainte,
  • enfin Liliane Bettencourt, par la voix de son avocat Georges Kiejman, a fait savoir, trois jours après les révélations de Mediapart et au lendemain de son dépôt de plainte, qu'elle considérait sa fille et l'avocat de celle-ci, Olivier Metzner, comme les « instigateurs » de l’« espionnage » dont elle a été la cible.

Ce n'est pas du tout la même chose, et bien évidemment il était urgent de rectifier cette assertion erronée, qui aura quand subsisté près d'un mois dans l'article (dont six jours depuis que j'ai commencé à m'intéresser de plus près à celui-ci, mea culpa).

On pourrait croire que ce type d'erreur est inhérent à notre époque de zapping et de bombardement continuel d'informations diverses contre nos cerveaux, sans parler des âneries et incohérences que l'on peut puiser dans nos sources d'information, mais on pourra trouver dans la relecture d'Agatha Christie, à l'occasion, des petits extraits tendant à prouver que la nature humaine est toujours et partout la même.

Premier exemple dans le roman Les Pendules, paru en novembre 1963, lors de la conférence finale qu'affectionne Hercule Poirot pour dévoiler la clé du mystère. Le détective belge se laisse aller à nous montrer la piètre estime qu'il porte aux journalistes :
« On ne saurait résoudre une affaire du fond de son fauteuil en ne se fiant qu'à la seule lecture des journaux. Car les faits dont on dispose doivent être exacts, or les journaux brillent rarement — si toutefois ils le font jamais — par l'exactitude de leurs renseignements. Ils sont capables de vous rapporter qu'un événement a eu lieu à 4 heures de l'après-midi alors qu'il s'est produit à 4 heures et quart, ils impriment sans sourciller qu'Untel avait une sœur qui s'appelait Elizabeth alors qu'il s'agissait de sa belle-sœur et qu'elle se prénommait Alexandra. J'en passe et des meilleures. »

Juste un an auparavant, sa consœur anglaise, Miss Marple, dans le roman Le miroir se brisa, paru en novembre 1962, avait également choisi sa propre scène d'explications finales pour pointer du doigt le danger des témoignages imprécis :
« Et tout cela mis bout à bout explique que ce mot de rubéole n'ait pas frappé les témoins. Mrs Bantry, par exemple, s'est contenté de signaler que Heather Badcock était au lit avec une maladie quelconque et, poussée dans ses retranchements, a mentionné la varicelle et la crise d'urticaire. Mr Rudd ici présent a dit pour sa part qu'il s'agissait de la grippe, mais il va de soi qu'il mentait sciemment. Tout me porte à croire que ce que Heather Badcock a déclaré à Marina Gregg c'est qu'elle avait à l'époque la rubéole et était néanmoins sortie de son lit pour aller lui demander un autographe. Or c'est la réponse à toutes nos interrogations car, voyez-vous, la rubéole est extrêment contagieuse. »

Si nous revenons à la conférence finale des Pendules, Hercule Poirot nous y livre un de ses secrets : la collecte d'informations les plus exactes possibles, fût-ce par le biais d'un asistant compétent, ici assimilé de manière humoristique à un « chien », qui permet à son « maître », en lui rapportant fidèlement le « bâton&nbssp;» des faits précis, de jouer pleinement son rôle de détective en fauteuil, à des dizaines de kilomètres du théâtre des événements :
« Mais je tiens en la personne de Colin ici présent un chien tout à fait remarquable... et que ses qualités ont d'ailleurs conduit très loin dans sa carrière personnelle. Il a toujours eu une mémoire étonnante. Il peut vous répéter mot pour mot des conversations qui ont eu lieu plusieurs jours auparavant. Il vous les rapporte avec précision — sans les transposer, comme cela nous arrive à tous, en fonction de leurs conséquences immédiates ou des sentiments qu'elles lui ont inspirées. Pour vous en donner un exemple, il ne vous dira jamais « Le courrier est arrivé à 11 h 20 » mais il rapportera les faits, à savoir qu'on a frappé à la porte et que quelqu'un est entré portant des lettres à la amin. Tout ceci est d'une importance extrême. Cela signifie qu'il a entendu ce que j'aurais moi-même entendu et vu ce que j'aurais vu moi-même. »

Au-delà des méthodes du détective en fauteuil, on se plaît souvent à rêver à ce que pourrait être un journaliste en fauteuil, voire un encyclopédiste en fauteuil. Hélas, bien que le sourçage se soit sensiblement amélioré depuis les débuts de Wikipédia en 2001, jusqu'à y voir apparaître des gens qui se prétendent « ayatollahs du sourçage » et, plus sérieusement, des pages de recommandations telles que « Wikipédia:Citez vos sources » et « Wikipédia:Article bien sourcé », force est de constater que le sourçage de qualité reste, sur Wikipédia, un long, long chemin...

Tout cela pour dire qu'on peut être habitué à lire abondamment les médias et, par inattention, laisser passer de grossières erreurs, et que, dans certains cas, cela peut avoir des conséquences gênantes...

Notes :

(1) Il est curieux de constater, au passage, le faible nombre de gens qui relèvent que les gardes à vue du 16 juin 2010, pour Pascal Bonnefoy et autres, ont précédé de deux jours les plaintes officielles déposées par Liliane Bettencourt et François-Marie Banier le 18 juin, tandis que nombre de médias, dès le 16 juin, parlaient de la plainte de la milliardaire comme si elle était un fait tangible...

mercredi 7 juillet 2010

Un détail qui manque à l'appel

Chose étrange : après trois semaines de rebondissements divers depuis que l'affaire Woerth-Bettencourt s'est emballée le 16 juin dernier, je cherche en vain la trace de toute annonce d'une plainte en diffamation déposée par l'actuel ministre du Travail — et ancien ministre du Budget —, visant les journalistes ou personnalités politiques qui l'ont nommément mis en cause, à tort ou à raison.

Rappelons les termes du premier alinéa de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :
« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. »
À la place, Éric Woerth a notamment (et en désordre) fait savoir qu'il était « scandalisé », « victime d'une cabale », qu'il était « blessé », que certains faits allégués étaient « faux, archi-faux », qu'il reçoit « des torrents d'insultes et de haine », alors qu'il n'a « rien à [se] reprocher », tandis que les petits soldats de la Sarkozie montent au front pour tenter de colmater les brêches d'une digue qui menace de s'effondrer en noyant beaucoup de monde au passage.

Mais on attend toujours, depuis trois semaines, une réaction judiciaire de celui qui, pendant qu'il était ministre du Budget, assumait simultanément les fonctions de trésorier de l'UMP, tandis que son épouse occupait un poste non négligeable dans la société du gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt. Ce qui ne signifie d'ailleurs pas que j'appelle de mes vœux une telle plainte en diffamation, simplement que je m'étonne de son absence, dans un tel contexte.

Tout cela est bien étrange : on croirait à un effet de paralysie. Et la presse française et étrangère ne s'y trompe pas, avec des milliers d'articles consacrés aux divers méandres de ce fleuve que quelques-uns doivent rêver de voir comme une version moderne des fleuves Alphée et Pénée, dont le détournement du cours permit à Héraclès de nettoyer les écuries d'Augias.

Au-delà du cas d'Éric Woerth, on voit par exemple — pour ne citer qu'un seul titre de presse hors de France — la version en ligne de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, dire, en se basant sur diverses dépêches d'agences de presse, que « Nicolas Sarkozy est de plus en plus attiré dans le tourbillon du scandale financier lié à [Lilane] Bettencourt, héritière du groupe L'Oréal » (« Nicolas Sarkozy gerät zunehmend in den Strudel des Finanzskandals um die L'Oréal-Erbin Bettencourt. »).

Sans s'arrêter aux vociférations du clan sarkozyste à l'Assemblée nationale, et de l'étonnante absence de réaction judiciaire d'Éric Woerth, puisque des allégations précises, vraies ou fausses, ont été portées à son encontre, on voit bien que le feuilleton ne semble pas prêt de s'arrêter, avec de nouveaux rebondissements tous les jours ou presque, désormais. Quentin Girard, sur Slate.fr, titrait son article du 6 juillet « L'affaire Bettencourt, la telenovela de l'été », en la qualifiant de « formidable histoire qui va nous tenir en haleine tout l'été », tandis que Julian Sancton, sur la version en ligne du magazine Vanity Fair titrait dans le même temps son article en se demandant si Sarkozy pourrait survivre au scandale Bettencourt (« Can Sarkozy Survive the Bettencourt Scandal? ).
Ajout du 8 juillet vers 16:50 (CEST) : Finalement, quelques heures après la publication de ce billet, Éric Woerth a fini par se résoudre à l'annonce du dépôt d'une plainte en justice, à cette différence que le motif n'est pas la diffamation, mais la dénonciation calomnieuse
« La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende. »
Comme semble le penser une dépêche de l'AFP publiée hier soir, et rapportant des propos de « plusieurs magistrats parisiens », ce délit serait « l'un des plus compliqués à arbitrer » (sauf que l'on n'arbitre pas des délits, mais l'AFP est au-dessus de ce genre de détails...)
Tout cela ne nous explique toujours pas pourquoi Éric Woerth n'a pas choisi la voie de la plainte en diffamation, sur le fondement de l'article 29 de la loi de 1881.

dimanche 4 juillet 2010

ADN for ever


Alexandra David-Néel
envoyé par peace4all. - Explorez des lieux exotiques en vidéo.

Il faudrait que je recherche la date exacte d'enregistrement de cet entretien, très probablement à la toute fin des années 60 (ADN, née en 1868, a quitté son corps à l'âge de 101 ans).

En attendant, voici ce que j'ai le plus retenu des propos tenus ce jour-là par Alexandra David-Néel : « Elle voulait p't-être que j'm'élève jusqu'au plafond, mais c'est pas mon genre. »