jeudi 20 novembre 2008

Une « conscience » qui ne fait pas l'unanimité

Simone Veil, le 27 février 2008 lors d'une réunion publique à Paris
Cliché original sous licence Creative Commons Paternité 3.0 Unported.
© Marie-Lan Nguyen (Jastrow)
Cliché, recadré, réduit et modifié par mes soins
(Picasa + M$-Paint,
on ne rigole pas...)

Comme prévu, Simone Veil a été élue ce jeudi au 13e fauteuil de l'Académie française, en remplacement de Pierre Mesmer, mort le 29 août 2007.

Il apparaît que, contrairement à ce qu'avançaient certains commentateurs il y a quelques semaines, si l'élection de Mme Veil n'a pas fait de réelle difficulté, la perspective de la voir siéger sous la Coupole n'a en revanche pas rencontré une franche unanimité. Je me souviens avoir lu (hélas j'ai oublié sous quelle plume), qu'elle avait toutes les chances d'être « quasiment » élue « par acclamations » (sauf que les scrutins sont à bulletins secrets..., mais il pouvait s'agir d'une simple figure de style).

Eh bien c'est raté. Certes, elle est élue dès le premier tour, avec 22 bulletins comportant son nom, sur 29 académiciens ayant pris part au vote (neuf autres étant apparemment absents et deux sièges étant vacants). Mais il y a aussi eu cinq bulletins blancs et deux bulletins marqués d'une croix (ce qui, selon l'AFP, signifierait un refus de tous les candidats), tandis qu'aucun des trois ou quatre concurrents (Jean-Claude Barreau, qui avait retiré sa candidature avant le vote, selon Wikipédia, Michel Borel, Olivier Mathieu et Pierre Driout) n'aurait obtenu de soutien parmi les Immortels.

Profitons-en pour râler (abondamment, puisque râler est mon péché mignon et les journalistes mes bêtes noires...) contre les merdiats incapables de vérifier leurs sources au sujet de la loi de 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse.

Lefigaro.fr prétend par exemple que Simone Veil aurait fait « voter en 1975 la célèbre loi sur l'avortement qui porte son nom ».

L'Agence France-Presse, dans le même genre, ose cette phrase : « Entrée en politique en 1974 comme ministre de la Santé dans le gouvernement de Jacques Chirac, elle a fait voter un an plus tard la loi qui porte son nom légalisant l'interruption volontaire de grossesse (IVG). »

La loi sur l'IVG n'a pas été votée en 1975 : le dernier scrutin est intervenu au Sénat en troisième lecture (après passage en commission mixte paritaire), le 20 décembre 1974, à la suite de quoi 60 députés avaient saisi le Conseil constitutionnel qui, le 15 janvier 1975, concluait à la conformité du projet de loi à la constitution ce qui, le 17 janvier, entraîna la promulgation de la loi par le président de la République de l'époque, Valéry Giscard d'Estaing. Accessoirement, le premier gouvernement de Jacques Chirac, dans lequel Mme Veil occupait les fonctions de ministre de la Santé, ayant été constitué à partir du 28 mai 1974, elle ne saurait avoir « fait voter un an plus tard la loi qui porte son nom » puisque, aux dernières nouvelles, le 20 décembre est situé, dans le calendrier, moins de sept mois après le 28 mai...
Soyons juste : ces approximations merdiatiques, et la recherche de références, m'ont aussi donné l'occasion de préciser ou rectifier des détails dans deux articles de Wikipédia. Voir les « diffs » dans les articles Loi Veil et Simone Veil.
Incidemment on peut considérer comme légèrement abusive l'assertion du rédacteur de lefigaro.fr, selon lequel le 13e fauteuil serait « l'un des sièges «politiques» du Quai de Conti ». Certes, ce fauteuil fut successivement dévolu, de 1974 à 1998, à Maurice Schumann puis, de 1999 à 2007, à Pierre Messmer, mais c'est oublier un peu vite les prédécesseurs immédiats, qui n'étaient pas spécialement des hommes politiques : Paul Claudel, de 1946 à 1955 puis Wladimir d'Ormesson, de 1956 à 1973.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

"lers journalistes" : les

J'ai l'impression qu'il manque un "Veil" après un Mme, à moins que ce soit voulu... ("dans lequel Mme occupait")

Anonyme a dit…

Est-ce à dire que Simone Weil a usurpé la maternité de la loi sur l'IVG dans la conscience collective ? Que ce n'est pas elle qui l'a fait voter ? Mais QUI, alors ?

Anonyme a dit…

Vous avez lu ceci?
C'est très amusant.

http://lesitedesratesrp1.site.voila.fr/

Hégésippe a dit…

@ Moumine : je ne saisis pas le sens de ce commentaire : « Est-ce à dire que Simone Weil a usurpé la maternité de la loi sur l'IVG dans la conscience collective ? Que ce n'est pas elle qui l'a fait voter ? Mais QUI, alors ? »

Ce que je voulais dire, c'est que si c'est bien la « mère Veil » qui a fait voter la loi qui porte son nom, le vote n'est pas intervenu à la date stupidement répétée partout -- prétendument en janvier 1975, qui est le mois de la promulgation après examen de la conformité à la constitution --, et certainement pas après un délai d'un an (puisqu'il s'est écoulé moins de sept mois entre l'arrivée de SV au gouvernement et le dernier vote des sénateurs).

Hégésippe a dit…

@ DC : merci. C'est corrigé dans les deux cas. On a beau relire et relire, les choses les plus évidentes nous passent à côté, parfois. C'est comme quand je ne trouve plus mes clés... ou un sac de pommes de terre (!) alors qu'ils sont visibles comme un éléphant dans un corridor... :D

Hégésippe a dit…

@ « Anonyme » (enfin si l'on veut... :D) : merci, c'est bien noté, même si le rapport avec les sujets réels de mon billet reste assez ténu.

Mais bon, je ne vois aucune objection majeure à cette publicité très ponctuelle (et probablement sans grande incidence, vu la faible fréquentation de mon blog...) pour « Le site des ratés » maintenu par Robert Pioche.

Je peux bien l'avouer, j'ai découvert l'existence d'Olivier Mathieu, sous son son vrai nom, seulement en raison de cette élection et parce que la version initiale de l'article sur lefigaro.fr, que je n'ai pas eu la présence d'esprit de recopier, mentionnait les supposés quatre autres candidats (dont un avait d'ailleurs cessé de l'être), tandis que l'article correspondant à mon lien hypertexte n'est plus le même, mais contient toujours l'erreur factuelle sur le prétendu vote en 1975 de la loi Veil...

Cet incident lié au remplacement d'un texte par un autre fort différent, sur lefigaro.fr (tout en conservant l'URL d'origine) va me conduire, désormais, lorsque je lie une source extérieure, à en prendre une copie privée.