dimanche 7 décembre 2008

Le rythme trépidant des villages montagnards

Une grille de loto traditionnel.
Pour une fois, évoquons un peu la vie dans cette riante contrée qui est la mienne. J'ai innové, hier, en allant passer tout l'après-midi à la salle polyvalente de ma commune, à l'occasion du loto annuel des Amis d'***. Croyez-le ou pas, mais il aura fallu que je franchisse le cap du demi-siècle pour assister à une de ces manifestations hautement culturelles et sociales.

Il aura fallu pas moins de dix minutes d'explications embrouillées, d'une de mes voisines de table, pour que je comprenne le principe du jeu. Certes, je suis revenu chez moi sans grille-pain (qui eût pu tenir compagnie au vénérable et quadragénaire grille-pain qui partage mon existence), sans tournevis cliquant, sans cafetière « à capsules » (le clou de la manifestation, au sujet duquel je ne sais toujours pas si sa fonction première est d'emmener des astronautes sur la Lune...), sans appareil photo numérique, sans parure de drap, sans lampe de chevet (je ne vous raconte pas la tronche de la lampe...), ni service à découper le fromage, ni machine à pain tout inox, etc.

Mais que ne donnerait-on pas, lorsque l'on fait le choix délibéré de vivre, neuf mois sur douze, totalement isolé dans son hameau (avec pour seule compagnie deux chiennes, trois chats, un grille-pain et une machine à pain, ce qui fait certes déjà du monde), pour aller se réchauffer l'âme, une après-midi durant, dans une salle polyvalente surchauffée et bondée (nous étions plus d'une d'une centaine, soit plus que le nombre d'habitants de la commune) ? Ce fut aussi l'occasion de quelques observations intéressantes sur la vie des communes rurales, et sur la faune qui y évolue.

On s'aperçoit par exemple que, dans ces lotos ruraux, il peut se faire que plus des trois quarts de l'assistance soit totalement étranger à la commune de la manifestation, certains faisant jusqu'à 50 km en bagnole pour s'y rendre, et s'étant mués, faute de casino où exercer leur passion du jeu, en véritables écumeurs de lotos ruraux.

J'ai tenté d'interroger mes voisines de table sur le sujet, et j'ai cru comprendre, à demi-mot, qu'elles devaient bien en « faire » entre 20 et 30 dans l'année (du moins à la mauvaise saison, puisque ce type de manifestation a plutôt lieu hors saison). Elle et son amie ne se déplacent pas sans quelques commodités pour entretenir la convivialité, à savoir plusieurs tupperwares remplis de jetons aimantés transparents à poser sur les cases des cartons de jeu fournis par les organisateur, ainsi que des espèces d'« attrape-jetons » également aimantés (et pourvus d'un logement pour ranger au besoin un porte-bonheur !) pour ramasser plus vite les jetons sur les cartes.

Qu'on ne croie pas pour autant que, à jouer les entomologistes, j'en profiterais pour me montrer narquois. J'ai au contraire trouvé cet intermède fort intéressant, et ça donnerait me presque envie de remettre cela, dans un proche avenir, pour étudier un peu plus près cet aspect curieux de la vie sociale rurale.

Au passage, pour rebondir sur un billet récent de Pierrot le Chroniqueur, on pourrait envisager un loto de Wikipédia pour renglouer les caisses (n'importe lesquelles, d'ailleurs) : à force d'entraînement, et en multipliant les cartons de jeu, j'aurai peut-être enfin droit au yacht aux Bahamas, avec les créatures pulpeuses pendues à chacun de mes bras...

Prochains chapitres : la sociologie des belotes rurales, celles des brocantes et autres vide-greniers, sans parler, évidemment, des concours de pêche ou de pétanque. Je plaisante bien sûr. Quoique...

1 commentaire:

Serein a dit…

Tu sais (moi aussi j'ai vécu dans une commune rurale... ;-) le pire, c'est quand tu as à gagner un couple de canards, ou des lapins, ou des poules, ou un tableau immonde pseudo-impressionniste aux tons mauves et bleus.

Là, ça devient un sport de ne pas gagner, surtout quand tu as des voisins qui sont des "pros" (j'en ai connu comme tes voisines) qui t'aident, pensant que tu n'es pas très doué, à remplir ton carton pour gagner.

Mais c'est vrai que partager les petites fêtes d'un village, ça peut paraître un peu ringard mais c'est bien. Les dîners barbecue dans la cour de l'école, où on parle enfin au vieux monsieur qu'on croise tous les jours depuis des années, où les enfants courent partout en criant, où le vin est râpeux, où les plaisanteries sont un peu lourdes mais où tout le monde rit quand même.

J'ai l'impression que quand tout cela disparaîtra, on se rendra compte que finalement c'était bien. Tu as eu raison d'y aller :-)