mercredi 10 décembre 2008

Du traitement merdiatique de la disgrâce annoncée de Rama Yade

Rama Yade, le 23 mai 2007 lors d'une réunion publique à Paris
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© Marie-Lan Nguyen (Jastrow)
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on ne rigole pas...)
L'affaire commence dimanche 7 décembre, dans la soirée, lorsque Rama Yade, secrétaire d'État auprès du ministre français des Affaires étrangères et européennes, chargée des Droits de l'homme, déclare au micro du Grand jury LCI-RTL-Le Figaro, qu'elle n'envisage pas d'être candidate aux élections européennes de juin 2009, et ce alors même qu'elle était vivement encouragée en ce sens par Nicolas Sarkozy, président de la République, dont elle passait, dans certains milieux de droite nationale, pour une des protégées, à l'instar de Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et une de ses cautions multiethniques.

Gros émoi dans les rangs du Sarkoland : l'une des benjamines du gouvernement a osé tenir tête à Sa Majesté, en ne lui envoyant pas dire que son ambition était tout autre qu'un strapontin d'eurodéputé à Strasbourg et Bruxelles, même élue en tête de la liste UMP en région Île-de-France, comme cela se murmurait depuis des semaines. Madame rêve apparemment d'un mandat électif national, comprendre au Palais-Bourbon.

Rama Yade a décliné la proposition élyséenne dans ces termes : « Je ne veux pas être dans une situation où je trouve ce mandat prématuré, et que je ne donne pas le meilleur de moi-même et donc que je déçoive. Donc, je ne suis pas candidate à un mandat européen. », souhaitant que « le président de la République puisse trouver de l'utilité » dans ce qu'elle fait, dans les engagements qu'elle prend et indiquant également ne pas vouloir se trouver dans une situation qui ne lui permette pas de « donner le meilleur ».

La punition n'a pas tardé : selon des confidences non attribuées citées mardi par le site lemonde.fr, M. Sarkozy aurait été profondément déçu par le camouflet que lui a infligé Rama Yade, tandis que ses proches énoncent qu'elle n'aurait pas de sens politique et font savoir que c'en est désormais fait des chances de Rama Yade de succéder à Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, nommé la tête de l'Autorité des marchés financiers à compter du 15 décembre.

Bernard Kouchner, le 17 mai 2006 lors d'une réunion publique à Fribourg (Suisse)
© Fanny Schertzer (Inisheer)
Cliché, recadré, réduit et modifié par mes soins
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on ne rigole pas...)
Le coup de grâce, qui pourrait éventuellement laisser présager une éviction prochaine de Rama Yade du gouvernement, arrive ce mercredi 10 décembre, au détour d'un entretien accordé par Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, au quotidien Le Parisien-Aujourd'hui en France. Le ministre, à l'occasion du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'homme, annonce subitement qu'il aurait eu « tort de demander un secrétariat d’État aux Droits de l’homme » lors de la constitution du premier gouvernement de François Fillon, alors même que lui-même, il y a une vingtaine d'années, avait décliné la proposition d'occuper un tel poste dans le premier gouvernement de Michel Rocard. M. Kouchner justifie son mea culpa par la « contradiction permanente entre les droits de l’homme et la politique étrangère d’un Etat, même en France », tout en prenant soin, immédiatement, de faire mine de ne pas enfoncer Rama Yade, en estimant qu'elle « a fait, avec talent, ce qu’elle a pu » et en ajoutant, plus loin, qu'il « parle de la structure bien sûr, pas des personnalités ».

Parallèlement, compte tenu dudit 60e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'homme, Rama Yade accorde également un entretien au quotidien Metro de ce mercredi, dans lequel elle présente, au détour d'un paragraphe, son bilan de secrétaire d'État au cours des dix-huit mois écoulés, en réponse à une question sur ses déclarations de dimanche soir.

C'est là qu'on en vient au nœud du problème : plusieurs journalistes n'ont pas hésité, ce matin, à chercher à faire monter la sauce, au delà des déclarations respectives de l'un et de l'autre, pour faire prendre des vessies pour des lanternes.

Tout d'abord, la rédaction de leparisien.fr, site lié au Parisien, n'hésite pas, dans un article en ligne titré « Rama Yade se défend », à prétendre que Bernard Kouchner aurait « violemment remis en cause » la secrétaire d'État dont il a la tutelle, alors que chacun peut se reporter à ses propos réels imprimés dans les colonnes du Parisien, propos qui, s'ils pourraient aisément être considérés comme condescendants voire discrètement méprisants, ne sauraient être considérés comme faisant preuve de « violence ». La tonalité de l'article dans son ensemble, qui reprend l'ensemble du paragraphe consacré, dans le quotidien Metro, au bilan de la secrétaire d'État, est aussi particulièrement sournoise puisque, bien que leparisien.fr prenne soin de préciser que les propos de Rama Yade ont été tenus avant que ne soit connue la teneur de ceux de Bernard Kouchner, l'impression générale du lecteur, qui commence dès le titre de l'article, est que Mme Yade répond à son ministre, ce qui n'est pas le cas.

Mais la rédaction de lemonde.fr, site web lié au quotidien Le Monde, fait encore mieux. Dans un article titré « Kouchner regrette la création du secrétariat aux droits de l'homme », les journalistes du Monde interactif, partant de la lecture des journaux et, apparemment, de celle d'une dépêche non identifiée de l'Agence France-Presse, n'hésitent pas à prétendre, au mépris de la réalité et de l'évidence, que la secrétaire d'État aurait répliqué à son ministre de tutelle, le paragraphe concerné commençant par cette phrase : « Des déclaration qui ont appelé une réplique immédiate de Mme Yade, qui a répondu à son ministre de tutelle en affirmant avoir "fait beaucoup de choses" depuis sa prise de fonction. », ce qui est, sinon mensonger, du moins parfaitement inexact.

Plus c'est gros, mieux ça passe ? Il faut quand même remarquer que si d'autres sites d'information reprennent des éléments en provenance de ces entretiens croisés accordés au Parisien et à Metro, tous n'ont pas le front de travestir la réalité pour présenter les faits de manière inexacte.

Note : je prends désormais la précaution d'archiver une copie privée de toutes les pages Web liées, dès l'instant où elles ne sont pas sur un site hébergé par la Wikimedia Foundation.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très intéressant. Tu vas avoir du boulot si tu traques toutes les lâches imprécisions de la presse...

Anonyme a dit…

Je me contente de relever, quand j'en vois passer une. Je le faisais déjà, à l'occasion, dans mon précédent et défunt blog (disparu en 2004).