samedi 31 juillet 2010

L'eurodéputé Mélenchon ferait mieux de se taire

Selon Jean-Luc Mélenchon, co-fondateur et président du Bureau national du Parti de gauche, « Le président devrait prendre garde que sa condition de fils d'immigré ne permette pas demain de le déchoir de sa nationalité s'il venait à être poursuivi ou condamné, à tort ou à raison, du fait des conséquences de ses accointances avec les milieux d'affaires. » (cf. Lemonde.fr), croyant ironiser, visiblement, sur le glissement sécuritaire de la politique de Nicolas Sarkozy, et sur son implication supposée dans diverses affaires politico-financières qui défraient la chronique.

Ce pourrait être de bonne guerre, compte tenu de la réprobation qu'inspirent à certains opposants les actes du locataires de l'Élysée, si le sénateur de l'Essonne l'eurodéputé ne se livrait pas au passage à une approximation de taille.

En effet, Nicolas Sarkozy, dans son discours d'installation du nouveau préfet de l'Isère, aujourd'hui à Grenoble, a parlé de « réévaluer les motifs pouvant donner lieu à la déchéance de la nationalité française » et indiqué que, selon ses vues, « La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme ou de toute personne dépositaire de l'autorité publique. ».

Pour autant, une éventuelle révision du Code de la nationalité — projet de révision dont on ne connaît même pas les détails, et qui devrait encore être soumise à un examen législatif laborieux, sans parler de l'infiniment probable examen final par le Conseil constitutionnel — et l'on sait que celui-ci n'est pas toujours très tendre avec nos gouvernants, ces temps-ci, notamment grâce à ses nouveaux pouvoirs relatifs aux questions prioritaires de constitutionnalité —, n'impliquerait, dans aucun cas de figure, qu'une (très) hypothétique condamnation en justice de l'actuel président de la République puisse un jour déboucher sur une déchéance de sa nationalité française, du fait de sa naissance dans le foyer d'un homme, Pal Sarközy de Nagy-Bocsa (né en 1928), naturalisé Français à une date indéterminée après son engagement dans la Légion étrangère.

M. Mélenchon semble en effet « oublier » que la mère de Nicolas Sarkozy, Andrée Mallah (née en 1925) est Française et née de mère elle-même Française, et que la nationalité française du président, quelles que puissent être les vicissitudes hypothétiques de l'histoire, ne saurait disparaître, compte tenu du fait que rien n'indique qu'Adèle Bouvier (1891-1956), grand-mère maternelle de M. Sarkozy, ait pu renoncer à sa nationalité française lorsqu'elle épousa, en 1917, Bénédict Mallah (1890- ?), et que le droit du sang est inscrit dans le Code civil depuis 1804.

Manifester son opposition, c'est normal quand on est un opposant. Le faire avec finesse et sans rechercher des effets d'orateur grisé par son pupitre, c'est encore mieux...

Edit du 31 juillet vers 17 heures : on me fait remarquer que M. Mélenchon a opté pour le mandat de député européen — ce que j'avais complètement oublié —, je rectifie donc bien volontiers mon erreur.

4 commentaires:

Steph a dit…

Un grand bravo à vous!!!
Vous rendez-vous compte de ce que signifie votre petit travail d'enquête minutieux?

Eh bien vous venez de faire dans ce billet ce que précisément la politique de Sarkozy appelle à faire et que nous condamnons au nom de l'égalité des citoyens français devant la Loi, quelques soient leurs origines, et parce que la République est Une et Indivisible.

Il est bien entendu n'est-ce pas et j'espère que ça ne vous a pas échappé que Mélenchon, qui n'est plus sénateur mais député européen depuis un an, se fiche du détail de la généalogie de Sarko. Nicolas Sarkozy est Français et ce, quelques soient ses origines. Il l'est. Déclarerait-il le contraire que ça ne changerait rien, puisqu'il l'est. Déclarerait-il que sa grand-mère n'est pas ce qu'on pense qu'elle est, que ça ne changerait RIEN. Il l'est.

Continuez à vous engouffrer dans les trappes de Sarko, c'est exactement ce qu'il attend de vous, encore bravo.
Faites gaffe quand même, une fois dedans, il est toujours très difficile de sortir des paradoxes.

Je sens qu'il faut que j'insiste.
Ce que fait Mélenchon, ce n'est pas mettre en cause la nationalité de Sarko, c'est souligner le paradoxe avec lequel il joue et dans lequel il pourrait tomber, et si ce n'est lui, toute la société. A savoir vers des déchirements identitaires hypothéquant et la cohésion sociale, et la République.
Mais peut-être est-ce ce que vous souhaitez?

Encore bravo.

Scrongneugneu a dit…

Les « déchirements identitaires » hypothéquant notamment la cohésion sociale ? C'est une évidence, même quand on n'est pas de gauche.

Au passage, je ne nie pas que le sieur Sarkozy cherche à détourner l'attention de l'échec flagrant de sa politique, avant et après l'installation à l'Élysée, sans parler de quelques affaires médiatisées qui font un peu trop d'ombre à son étoile déclinante, et que par l'accent qu'il s'efforce de mettre sur les besoins sécuritaires des Français, il tente simplement de rééditer le coup qui lui avait si bien réussi il a trois-quatre ans, lorsqu'il avait capté une bonne partie, naïve, de l'électorat frontiste (une autre partie n'ayant pas hésité à voter pour Ségolène Royal, sans que cela empêche le diviseur de s'installer à l'Élysée).

D'autres voix, pas exclusivement de gauche d'ailleurs, ont rappelé que la sécurité passerait avant tout par le renforcement d'une police de proximité, et non par des coups de menton et des débarquements subits de forces de l'ordre.

Cela dit, je n'ai fait aucune « enquête » : il suffisait de lire ce qui se rapporte à la mère de NS, et qui figure un peu partout — pas seulement sur Wikipédia — pour comprendre que M. Mélenchon dit n'importe quoi, sur ce point particulier.

Cela dit, que je n'aime pas le « locataire de l'Élysée » ne m'empêchera pas de relever les âneries proférées ailleurs, lorsque c'est le cas. Sans m'« engouffrer dans les trappes de Sarko », lequel, de toute façon et quoi que puissent dire les Cassandre, paraît désormais courir à un échec des plus cuisants et retentissants, le moment venu...

Scrongneugneu a dit…

Par ailleurs, je rappelle une partie de mes propos ci-dessus, au début du quatrième paragraphe : « projet de révision dont on ne connaît même pas les détails, et qui devrait encore être soumise à un examen législatif laborieux, sans parler de l'infiniment probable examen final par le Conseil constitutionnel ».

Ces propos doivent être rapprochés des commentaires du constitutionnaliste Guy Carcassonne, rapportés aujourd'hui par la dépêche de l'AFP titrée « Restrictions de nationalité: tollé associatif, les experts doutent » : « De son côté le constitutionnaliste Guy Carcassonne "doute" que la déchéance de nationalité française pour des crimes de droit commun, soit légale au regard de la Constitution de la Ve République. » (paragraphe suivi de trois autres, à la fin de la dépêche).

Apokrif a dit…

"rien n'indique qu'Adèle Bouvier (1891-1956), grand-mère maternelle de M. Sarkozy, ait pu renoncer à sa nationalité française lorsqu'elle épousa, en 1917, Bénédict Mallah (1890- ?)"

Bénédict Mallah était-il alors étranger ? Dans _Les Ritals_ de Cavanna, dans l'entre-deux-guerres, sa mère française a perdu automatiquement sa nationalité d'origine, faute de demande expresse de conserver sa nationalité française, en épousant un Italien (mais Cavanna lui-même conserve un "droit d'option" jusqu'à sa majorité - ils résident tous trois en France).