Dans cette tribune, BHL, que j'ai toujours trouvé, j'ignore pourquoi, extrêmement antipathique, dénonce trois choses :
- la convocation à l'Élysée, le 28 juillet, d'une réunion censée aborder « la situation des Roms et des gens du voyage », et dans laquelle il voit implicitement une stigmatisation coupable de cette communauté, quelles que puissent être les erreurs individuelles de certains membres d'icelle, et sans que quiconque ait eu l'idée d'y inviter au moins un représentant des Roms ;
- le discours martial de Nicolas Sarkozy à Grenoble, le 30 juillet, à l'occasion de l'installation du nouveau préfet de l'Isère, prétexte à d'ahurissantes propositions de modifications du code de la nationalité, qui ont toutes les chances d'être retoquées par le Conseil constitutionnel ;
- et enfin l'usage, au cours du même discours, du terme « guerre » par le locataire de l'Élysée, ce qui témoignerait, selon le philosophe, d'un risque, par la dramatisation des choses, de la distillation dans le pays, par celui qui est censé assurer la cohésion du corps social, d'une « autre sorte de tension, de fièvre, peut-être de peur et, au fond, d'insécurité ».
Monter aux extrêmes donc, tenir le langage de la déchéance, de l'œil pour œil dent pour dent et de la guerre : ce ne sera jamais que la version sophistiquée du tristement fameux « casse toi, pauv'con » — et, l'exemple venant d'en haut, les comportements des citoyens s'indexant mystérieusement mais constamment sur ceux des princes, c'est la garantie d'une société fiévreuse, inapaisée, où chacun se dresse contre chacun et où le ressentiment et la haine seront très vite les derniers ciments du contrat social.
Ou éviter le piège, cesser de faire assaut de déclarations fracassantes, prétendument viriles et qui ne font, je le répète, que souligner l'impuissance des Etats, sortir, en un mot, du rang des matamores et de leur bouillante passion pour la rivalité mimétique et l'esprit de revanche – et s'en aller fouiller dans l'autre corps, celui qui, selon l'historien américain Ernst Kantorowicz (1895-1963), est fait, non de passion, mais de distance, pour y puiser audace, fermeté, mais aussi sagesse, finesse, mesure et, surtout, sang-froid. Ce sont, en la circonstance, les seules vertus qui vaillent. Mais ce sont celles dont Nicolas Sarkozy paraît, hélas !, ces jours-ci, le plus tragiquement dépourvu.
Ou éviter le piège, cesser de faire assaut de déclarations fracassantes, prétendument viriles et qui ne font, je le répète, que souligner l'impuissance des Etats, sortir, en un mot, du rang des matamores et de leur bouillante passion pour la rivalité mimétique et l'esprit de revanche – et s'en aller fouiller dans l'autre corps, celui qui, selon l'historien américain Ernst Kantorowicz (1895-1963), est fait, non de passion, mais de distance, pour y puiser audace, fermeté, mais aussi sagesse, finesse, mesure et, surtout, sang-froid. Ce sont, en la circonstance, les seules vertus qui vaillent. Mais ce sont celles dont Nicolas Sarkozy paraît, hélas !, ces jours-ci, le plus tragiquement dépourvu.
Edit du 4 août vers 18:20 (CEST) : Quitte à jouer au jeu de la citation, Bernard-Henri Lévy eut pu tout aussi bien citer, dans un registre pourtant très différent de prime abord, les propos de l'historienne italienne Benedetta Craveri qui, dans sa préface à la réédition, en 1993, du livre Vie privée du maréchal de Richelieu: contenant ses amours et intrigues, et tout ce qui a rapport aux divers rôles qu'a joués cet homme célèbre pendant plus de quatre-vingts ans (mémoires apocryphes du cardinal), de Louis-François Faur (éditions Desjonquières, coll. « XVIIIe siècle », Paris, 1993, 190 p., ISBN 2-904227-74-1), écrivait à propos de l'histoire, qu'elle était un
« vaste théâtre sur lequel, de génération en génération, une dynastie d'acteurs privilégiés avait accès aux mêmes rôles : le courtisan, le politique, le diplomate, le soldat, l'homme du monde. Y parvenir était le fruit de la volonté et de la discipline exigeant ambition, finesse, pénétration, endurance et audace. Les bien remplir réclamait du talent. ».
Les deux dernières phrases, à mon avis, prennent aujourd'hui une singulière résonnance, même si, de fait, elles ont probablement une pertinence intemporelle...
7 commentaires:
Erik Emptaz dans l'éditorial du Canard du jour s'étonne qu'une déclaration martiale de la sorte soit suivie de l'annonce de trois semaines de vacances :
"A priori, les vacances en pleine guerre peuvent sembler un peu bizarres, voire friser la schizophrénie."
Excellent, en effet.
Si BHL t'est antipathique, c'est très certainement parce que ce qu'il dénonce, il a une fâcheuse tendance à l'accepter, voire le défendre, voire le pratiquer, quand il s'agit de la communauté juive francophone et d'Israël.
C'est assez troublant de constater que tous les reproches qu'il fait là sont transposables à ces derniers.
Ici, ca passe, car ce n'est pas "la paille et la poutre" mais "la poutre chez chacun".
Pas de panique, y a des maladies inévitables mais bénignes et qui permettent d'être ensuite immunisé :o).
Hors sujet : Le site de Natalie Choquette a changé, ce qui fait que ton lien ne pointe plus vers l'air des bijoux.
Musicaline
@ Musicaline : oui, je l'avais remarqué (à mon immense regret d'ailleurs). Mais il faut que je remanie toute cette satanée colonne de droite, ainsi que quelques autres bricoles dans ma « liste de courses », comme l'insertion d'un bloc de titre et de billet et de date couplés en haut de chacun de mes billets...
@ De passage : je ne partage pas cette analyse et, d'autre part, j'ai le plus grand mal à simplement la comprendre. Je ne vois pas trop ce que « la communauté juive francophone » et Israël viennent faire là-dedans.
Regret ? Alors, cadeau : http://www.youtube.com/watch?v=LWhVHgVY1rY
:o)
Musicaline
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