dimanche 19 décembre 2010

La « communauté internationale » se bouche le nez, mais n'a pas toujours eu la narine aussi délicate

Indépendamment des torts qui sont ceux de Laurent Gbagbo et de sa calamiteuse épouse Simone, il est infiniment plaisant de voir aujourd'hui la « communauté internationale » faire la délicate face à la volonté de l'ex-président ivoirien de refuser obstinément de reconnaître sa défaite à l'élection présidentielle.

Il y a plus de cinq ans que ce roitelet se maintient illégalement au pouvoir, c'est-à-dire depuis le 26 octobre 2005, date de l'expiration du seul mandat de président de la République pour lequel il avait été élu en 2000. On n'a guère entendu la « communauté internationale », durant ces cinq années d'usurpation du pouvoir, ou seulement d'une façon timide, du genre : « Votre Excellence ne serait-elle pas bien inspirée de commencer à envisager une nouvelle élection présidentielle, afin d'afficher un visage plus présentable pour la démocratie ivoirienne ? » (et aussi, et peut-être surtout, de ne pas menacer l'approvisionnement occidental en cacao, en cas de guerre civile).

Il était évident, durant toutes ces années, que le roitelet en question ferait tout ce qui était en son pouvoir, y compris par la fraude, par l'intimidation et par le sang, pour assurer le maintien de son clan au pouvoir.

Alors je rigole, en voyant les coups de menton d'un Sarkozy, et ses menaces de gels des avoirs personnels du clan Gbagbo à l'étranger.

mercredi 15 décembre 2010

Trafic d'organes supposé au Kosovo : les merdiats veulent aller plus vite que la musique

Dick Marty, personnalité politique suisse italophone respectée, est membre depuis 1998 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. À ce titre, il a enquêté, en 2005, sur l'affaire des prisons secrètes de la CIA puis, à partir de septembre 2009, sur la situation dans le Caucase du Nord (Tchétchénie, Daguestan et Ingouchie).

Membre de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, il a été chargé (à une date que je n'ai pas retrouvée, pas plus que la décision ni la liste des parlementaires collaborant avec lui) d'un projet de rapport sur le « Traitement inhumain de personnes et trafic illicite d’organes humains au Kosovo », qui a été rendu public dimanche 12 décembre sur le site web du Conseil de l'Europe (version en français).

Ce rapport contient effectivement des accusations gravissimes, et qui n'étonneront qu'à moitié ceux qui se sont toujours méfié de l'UÇK et du forcing généralisé américano-européen visant à donner à cette formation politico-militaire kosovare une vitrine respectable, face aux « méchants Serbes ».

Cela étant, il ne s'agit, jusqu'à plus ample informé, que d'un projet de rapport, qui n'a même pas encore été adopté par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, et encore moins par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Cela n'empêche pas des dizaines de médias avides de sensationnel de présenter ce projet de rapport comme un «  rapport du Conseil de l'Europe », comme si, désormais, la chose ne souffrait aucune discussion et allait de soi. Il y a par exemple, mais cela n'est pas en soi étonnant, compte tenu du philoserbisme des autorités russes, l'Agence RIA Novosti, qui procède à ce raccourci abusif dans une dépêche titrée « Le premier ministre kosovar impliqué dans un trafic d'organes (APCE) ». d'autres procèdent aussi de la sorte, sans conditionnels de rigueur, ni précisions sur le calendrier des travaux du Conseil de l'Europe.

On notera quand même le nom d'une journaliste du site Lexpress.fr, Marie Simon, qui sauve un peu l'honneur de la profession en prenant la précaution :
  • de titrer son article « Le Premier ministre du Kosovo était-il lié à un trafic d'organes? », avec un mode interrogatif prudent,
  • de rappeler que les accusations de trafic d'organes ne sont pas tout à fait une nouveauté, puisque Carla Del Ponte, ancien procureur auprès du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) avait fait scandale il y a deux ans en avançant des allégations comparables,
  • de conclure en donnant un aperçu synthétique des suites possibles de la publication de ce projet de rapport, aperçu que l'on eût aimé apercevoir dans les écrits de RIA Novosti ou de l'Agence France-Presse, entre autres raccourcisseurs : « Ce rapport doit être discuté jeudi en commission du Conseil de l'Europe. S'il est adopté alors, il sera présenté fin janvier devant l'APCE et pourrait conduire, comme le texte invite à le faire, à des enquêtes plus poussées sur le terrain, menées notamment par EULEX, la mission européenne de police et de justice, qui assume des fonctions en matière de justice depuis fin 2008. », écrit Marie Simon.


Ajouts du 15 décembre vers 21 heures. Bien entendu, ces péripéties n'ont pas manqué d'inspirer au moins une personne qui, par une lecture orientée de ce que les merdiats nous renvoient sur l'affaire, a cru bon d'en profiter pour s'asseoir sur la neutralité de point de vue, principe fondateur de Wikipédia, pour y écrire, dans l'article « Hashim Thaçi », que l'actuel Premier ministre kosovar est (sans conditionnel) « un criminel lourdement impliqué dans le trafic d'organes prélevés sur des prisonniers serbes et dans le trafic de cocaïne à destination de l'Europe » (dans la matinée) et de se contenter d'une version atténuée : « lourdement impliqué dans un trafic illégal d'organes prélevés contre leur gré sur des prisonniers serbes » (ce soir). C'est désespérant : la neutralitré de point de vue est pourtant un concept aisé à comprendre (du moins est-ce ce qui, il y a plus de six ans, lorsque j'ai débarqué sur Wikipédia, m'a paru le plus lumineux), mais il est de fait que des milliers de gens ne parviennent pas à comprendre ce concept, qui est pourtant indispensable si l'on veut construire une encyclopédie qui ne soit pas l'otage de tel ou tel groupe de pression.

samedi 11 décembre 2010

WikiLeaks : un soutien raisonné et mesuré

« Quiconque » s'intéresse à l'actualité sans avaler toute crue la bouillie prédigérée servie par les « grands » médias, au premier rang desquels l'abomination télévisuelle, a entendu parler de WikiLeaks, et ne prend pas pour argent comptant les fariboles sur le caractère prétendument « criminel » de l'action de ce site et de ceux qui le font vivre.

Cela ne signifie pas, évidemment, qu'il faille soutenir aveuglément WikiLeaks, ni fermer les yeux sur les possibles erreurs de son porte-parole, Julian Assange, dans sa vie personnelle. Pour autant, il est difficile de gober les fadaises sur les dangers que ferait courir, à travers le monde, les révélations échelonnées de WikiLeaks, lorsque des publications ayant pignon sur rue, voire « prestigieuses  » pour certaines d'entre elles, font le choix de collaborer étroitement avec WikiLeaks pour exploiter de manière responsable la matière considérable des cables diplomatiques tombés entre les mains de WikiLeaks.

The New York Times (États-Unis), The Guardian (Royaume-Uni), Der Spiegel (Allemagne), Le Monde (France) et El País (Espagne), ne se sont jamais signalés — même si certains d'entre eux ont une sensibilité « libérale » (au sens américain du terme) ou « de gauche » — par un quelconque caractère boute-feu et semeur de zizanie. Certains d'entre eux ont même, à tort ou à raison, une certaine réputation de modération, de réflexion et de respectabilité.

La recherche historique viendra sans doute révéler, un jour, comment furent conduites les négociations entre WikiLeaks et les cinq publications, et quelles modalités communes furent adoptées pour le dépouillement, l'étude et l'exploitation raisonnées de la matière contenues dans les 250 000 télégrammes diplomatiques.

Pour avoir littéralement « dévoré » tout ce qui m'est tombé sous la main, en matière de presse française sur le sujet, depuis le 28 novembre, je ne peux qu'être pleinement d'accord avec une Sylvie Kauffmann, directeur de la rédaction du Monde, lorsqu'elle explique, dans le numéro daté du 30 novembre, que, « à partir du moment où cette masse de documents a été transmise, même illégalement, à WikiLeaks, et qu'elle risque donc de tomber à tout instant dans le domaine public, Le Monde a considéré qu'il relevait de sa mission de prendre connaissance de ces documents, d'en faire une analyse journalistique, et de la mettre à la disposition de ses lecteurs ». Tout comme je l'approuve lorsqu'elle dit que « transparence et discernement ne sont pas incompatibles » et que, selon ses vues, « informer (...) n'interdit pas d'agir avec responsabilité », ce qui a conduit les quatre quotidiens et l'hebdomadaire à soigneusement éditer « les textes bruts utilisés afin d'en retirer tous les noms et indices dont la divulgation pourrait entraîner des risques pour des personnes physiques ».

À la lumière de l'avalanche de réactions suscitées par le « Cablegate », Sylvie Kauffmann est venue donner quelques éclairages supplémentaires un peu plus tard, dans le numéro daté du 7 décembre. Une bonne partie de son propos est alors réservé à la réfutation d'idées reçues — la prétendue mise en danger de personnes, par exemple — et contre-vérités — le « vol » de documents par WikiLeaks ou leur acquisition contre rétribution —, mais le plus intéressant vient à la fin de son article, lorsqu'elle indique que « pour l'historien comme pour le citoyen, c'est un trésor qu'il n'aura pas à attendre vingt ou trente ans, avant l'ouverture des archives » et enfin lorsqu'elle s'efforce, en conclusion, de mettre l'accent sur une vision ambitieuse du journalisme, dont la mission pourrait consister, selon elle, à « replacer cette masse d'informations dans leur contexte, à l'analyser, à enquêter sur des points restés troubles ou incomplets, à scruter les évolutions que provoqueraient certaines révélations », qui viendrait presque nous faire croire à une aspiration « scientifique » un peu inhabituelle dans la démarche du journaliste.

Aussi ai-je été heureusement surpris en voyant aujourd'hui que, face à l'ahurissant complot mondial anti-WikiLeaks, un quotidien comme Libération, qui avait publié au début de la distillation au compte-gouttes des télégrammes, quelques tribunes assez hostiles à la démarche de WikiLeaks, s'était décidé à héberger un miroir de WikiLeaks sur les serveurs de Libération, à l'image des centaines d'autres miroirs qui ont fleuri depuis que se sont manifestées les velléités de faire taire les gêneurs. Tout comme j'ai été satisfait de lire, ce samedi 11 décembre, en première page du quotidien, l'explication selon laquelle, en servant de relais à WikiLeaks, le quotidien souhaite « empêcher l'asphyxie du site WikiLeaks à l'heure où des gouvernements et des entreprises cherchent à bloquer son fonctionnement sans même une décision de justice ».

On ne s'étonnera donc pas, après de telles approbations de ma part, que je réprouve le plus vivement possible l'attitude d'un Joe Libermann, d'un Éric Besson, d'une Michèle Alloit-Marie, d'un François Baroin, et des firmes Amazon, PayPal, EveryDNS, etc., tous alignés, peu ou prou, sur la position de la superpuissance américaine et, volontairement ou pas, parties prenantes du complot visant à baillonner WikiLeaks.

samedi 4 décembre 2010

Prêter au Conseil d'État un rôle qui n'est pas le sien

Dans sa hâte à vouloir trouver un titre qui ne soit pas trop long, la rédaction du site NouvelObs.com en a sorti une belle, ce samedi 4 décembre, avec un article titré « IDF: le Conseil d’État recommande l'annulation de la réélection d'Huchon ».

En effet, ce titre d'article est un contresens, puisque le Conseil d'État, dans son rôle de plus haute juridiction de l'ordre administratif en France, n'a pas lieu de « recommander » quoi que ce soit. Il décide, tout simplement, que cela aille dans le sens du requérant ou pas.

Celui qui recommande, dans le cas présent, c'est le rapporteur public, magistrat qui, lors d'une séance publique de la section Contentieux, intervient pour déposer oralement ses conclusions, parallèlement à celles d'un conseiller d'État rapporteur (à distinguer du rapporteur public) et aux observations du ou des avocats de la partie défenderesse.

Après quoi, quelques semaines après cette audience et à l'issue d'un délibéré en réunion privée de la section Contentieux, intervient une lecture, en séance publique, de la décision collégiale prise quelques jours auparavant par la section Contentieux. Décision qui peut parfaitement ne pas suivre les conclusions présentées par le rapporteur public.

D'autres médias, hier après-midi, cette nuit ou ce matin, n'ont pas commis l'erreur du site NouvelObs.com, comme le démontre l'éventail suivant de titres de nouvelles sur le même sujet :

vendredi 3 décembre 2010

Croient-ils vraiment pouvoir faire taire WikiLeaks ?

Les agissements de diverses officines et de divers responsables officiels à l'encontre du site WikiLeaks — attaques massives par déni de service, intimidations et menaces, violation de l'état de droit — paraissent dérisoires, quand on voit la riposte multipolaire : à cette heure, le billet « Accéder à WikiLeaks », sur le blog de Bluetouff, recense une masse impressionnante de sites miroirs (miroirs DNS, miroirs Proxy/cache, dump sur Freenet, etc.)

Voir aussi :
Complément (4 décembre vers 19 h 30) : la récapitulation des ennuis subis ces derniers jours par WikiLeaks a donné l'occasion au site Lexpress.fr d'énoncer une belle contre-vérité à propos des relations entre WikiLeaks et OVH. Cela figure dans un article de Marie Simon et Flavien Hamon, titré « Haro sur Julian Assange et Wikileaks », paru vendredi. Les auteurs y prétendent en effet que « L'hébergeur français OVH a rapidement décidé de remplacer Amazon: les serveurs de Wikileaks sont donc désormais localisés en Suède et en France. », en se basant sur une simple brève publiée jeudi par le site Lexpansion.com. Un minimum de vérifications, dans la matinée de vendredi, avant publication de ce récapitulatif, leur aurait permis, ne serait-ce qu'en contactant directement OVH, de s'apercevoir que l'hébergement de WikiLeaks par OVH ne résulte aucunbement d'un choix fait par l'entreprise de Roubaix, qui s'est trouvée en quelque sorte mise devant le fait accompli, après signature d'un contrat conclu en ligne pour une somme d'environ 150 euros, réglée immédiatement. Octave Klaba, fondateur et patron d'OVH, s'en est d'ailleurs expliqué, dans l'après-midi de vendredi, en démarrant dans un forum interne d'OVH un fil de discussion titré « le cas wikileaks », dans lequel il a indiqué avoir découvert dans la presse l'hébergement de WikiLeaks par sa firme, ainsi que son intention, face à certaines déclarations politiques et pressions — on pense évidemment à Éric Besson —, de saisir le juge des référés afin de savoir si cet hébergement peut être continué ou doit être arrêté. La démarche de vérification systématique des sources est encore loin d'être automatique, dans les merdiats français, malheureusement.

mercredi 1 décembre 2010

« Le texte a été accusé réception »

C'est le site Europe1.fr qui a osé laisser passer cette formule ahurissante, cette nuit, dans un article titré « Un soutien de poids pour Florence Cassez », relatif au soutien apporté par l'Église catholique mexicaine et par Ignacio Morales Lechuga, ancien procureur général, de 1991 à 1993, et ancien ambassadeur du Mexique en France, à la cause de Florence Cassez, resortissante française détenue depuis presque cinq ans au Mexique, condamnée entre-temps par la justice de ce pays à 96 ans de prison (réduits à 60) pour quatre enlèvements, association de malfaiteurs, possession d'armes et possession de munitions, et qui clame sans relâche son innoccence, soutenue en cela par une campagne médiatique franco-française relativement soutenue.

Voici ce qu'écrit le site Europe1.fr : « Le texte a été accusé réception le 24 novembre par le tribunal qui doit se prononcer sur le pourvoi en cassation introduit par les avocats de Florence Cassez. »

J'ignore ce que voulait exactement signifier le rédacteur de cette chose, mais on peut supposer qu'il aurait pu recourir à une formulation telle que : « Le tribunal, qui doit se prononcer sur le pourvoi en cassation introduit par les avocats de Florence Cassez, a accusé réception du texte le 24 novembre. »

Digressions :

Au passage, on s'étonnera peut-être que, dans Google Noticias México, n'apparaisse pas la moindre trace d'un média mexicain relatant la conférence de presse commune tenue mardi par Pedro Arellano, représentant au niveau national de la pastorale pénitentiaire de l'épiscopat mexicain, semblant parler au nom de la conférence de l'épiscopat mexicain, et par Ignacio Morales Lechuga (ES), ancien procureur général. Je n'ai trouvé, via Google Noticias, qu'un seul média de langue espagnole traitant de ce sujet spécifique (en dehors des dépêches et articles relatant le prochain examen du pourvoi en cassation) de la conférence de presse de mardi, et c'est un site Web péruvien, Terra Perú, dans un article titré « Iglesia católica y ex procurador mexicano sostienen inocencia de Cassez ».

Cela invite à s'interroger sur le parti-pris de certains médias français qui, par petites touches discrètes, tentent de nous faire accroire qu'il existerait, au Mexique, une campagne de soutien d'envergure à la thèse de l'innocence de cette ressortissante française emprisonnée. J'ignore si celle-ci est coupable des faits qui lui ont valu sa condamnation, mais je trouve désolant l'insidieuse campagne franco-française visant à la déclarer obligatoirement innocente, du seul fait qu'elle est détenue au Mexique, vu d'ici comme une pays arriéré et où le respect du droit n'existerait absolument pas (en oubliant au passage, mais c'est un autre débat, les contorsions juridiques nombreuses qui, aux yeux d'autres pays du monde, font passer la France pour une sorte de république bananière...)