dimanche 28 novembre 2010

Larry Sanger, Wikipédia, WikiLeaks et les « ennemis des États-Unis »

Les médias — et singulièrement owni.fr — ayant annoncé et développé hier l'imminence de la publication par Wikileaks de plus de 250 000 mémos diplomatiques américains, l'inénarrable Larry Sanger a jugé bon de publier, sur Twitter, les deux « tweets » suivants : Ce qui a été traduit, par OWNI, de la manière suivante :
En ma qualité de cofondateur de Wikipedia, je vous considère comme des ennemis des Etats-Unis – pas seulement du gouvernement – mais aussi du peuple.

Ce que vous nous faites subir est irresponsable et ne saurait être excusé par des prêches sur la liberté d’expression ou la transparence.
Je n'ai pu m'empêcher de commenter, sur OWNI, la première de ces sorties de Larry Sanger :
« [21h30] Le cofondateur de Wikipedia apostrophe WikiLeaks. Via Twitter, Larry Sanger, cofondateur de Wikipedia, s’en prend directement à la démarche de WikiLeaks »

À propos de la réaction de Larry Sanger sur Twitter, il est bon de rappeler que cet individu, en dépit de la mise en avant de sa qualité de « co-fondateur de Wikipédia » — il oublie au passage sa qualité de fondateur de Citizendium, qu’on nous présentait un peu partout comme devant tailler des croupières à ladite Wikipédia, on a vu le flop qui en a résulté… — ne saurait en aucune façon se présenter, même implicitement, comme pouvant parler au nom de la communauté des contributeurs de Wikipédia.

Son opinion sur le bien-fondé de l’action de Wikileaks et sa condamnation ultra-nationaliste du site sont strictement personnelles, et la mise en avant de ses responsabilités — passées — dans le lancement de la version en anglais de Wikipédia, est tout simplement abusive.

Personne — pas même Jimmy Wales, « co-fondateur de Wikipédia », ex-président de Wikimedia Foundation (et la dirigeant toujours en sous-main), hébergeur des sites Wikipedia.org, ne saurait parler au nom de la communauté des contributeurs, ni même laisser entendre qu’il pourrait disposer d’une qualité qui le placerait au-dessus desdits contributeurs comme si cette qualité de co-fondateur lui avait conféré une autorité morale lui permettant de prendre la parole au nom des millions de lecteurs et participants de l’encyclopédie.
Chacun est libre, bien entendu, de penser en son for intérieur ce qu'il veut de la démarche de WikiLeaks, et c'est justement au nom de cette liberté de conscience qu'il est absolument insupportable que tel ou tel ressortissant des Zétazunis croie pouvoir énoncer une condamnation morale de Wikileaks, de surcroît en se permettant d'associer implicitement les contributeurs de Wikipédia à cette sentence, comme s'ils étaient eux-mêmes affublés des insignes de la justice et investis collectivement du droit de juger Julian Assange et les nombreux contributeurs de Wikileaks qui croient en la démarche de transparence clamée par WikiLeaks. <ouf !>

Cela dit, nous savons de quoi le sieur Sanger est capable, du moins ceux qui se souviennent de l'épisode de la dénonciation auprès du FBI des prétendus contenus pédophiles hébergés par Wikimedia Commons et des accusations insensées — car totalement hors sujet — portées contre un employé honorable de Wikimedia Foundation.

Pendant qu'il y était, le sieur Sanger eût pu recourir à un pluriel de majesté qui eût mieux convenu au ton de son premier tweet : « We, speaking as Wikipedia's co-Founder, consider you enemies of the U.S.--not just the government, but the people ».

mardi 16 novembre 2010

Réjouissante confusion entre les affaires Bettencourt et l'affaire de l'hippodrome de Compiègne

Oui, c'est possible, d'ailleurs le site Lexpress.fr a brillamment réussi ce « challenge », ce soir, sous la plume d'Arthur Fouchère, dans un article titré « Affaire Bettencourt: que risque Eric Woerth? », avec cette phrase coruscante : « L'affaire de l'hypodrome n'est pas le seul volet de l'affaire Bettencourt à inquiéter Eric Woerth. », entre autres joyeusetés.

Sauf que l'affaire de l'hippodrome de Compiègne, qui a éclaté au début du mois de juillet, quelques semaines après les premières grosses péripéties des affaires Bettencourt, n'est absolument pas un volet de celles-ci, quand bien même on retrouve le nom d'Éric Woerth, ancien ministre du Budget, dans les deux cas.

En effet, nombre de personnalités, telles que Liliane Bettencourt, sa fille Françoise Bettencourt-Meyers, son favori François-Marie Banier, son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre et quelques autres protagonistes de tout niveau des affaires Bettencourt, y compris un certain procureur Philippe Courroye et un certain « premier magistrat de France » nommé Nicolas Sarkozy, n'ont strictement aucun rapport avec la vente par les Domaines, avec l'aval d'Éric Woerth, alors en charge du Budget, d'une parcelle de la forêt domaniale de Compiègne à un prix supposé largement inférieur à celui du marché.

Le titre de l'article est donc fantaisiste puisque, après la saisine intervenue ce jour, par Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, de la commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR), dans le cadre de l'affaire de l'hippodrome de Compiègne, l'examen des risques éventuellement encourus par le désormais ex-ministre, congédié ce week-end à l'occasion de la formation du troisième gouvernement Fillon, ne peut pour le moment concerner que la seule affaire en question.

Le journaliste du site Lexpress.fr devrait pourtant se trouver aux premières loges pour savoir que les divers volets des affaires Bettencourt sont encore bien loin du stade d'une instruction qui suivrait son rythme de croisière, et que la péripétie du jour visant Éric Woerth est sans relation avec les affaires Bettencourt, et notamment celle surnommée, par commodité, affaire Woerth-Bettencourt.

Reste évidemment une question cruciale à élucider : sommes-nous devant une manifestation d'« hyperignorance » ou face à un symptôme d'« hipperignorance » (ignorance galopante, comme il se doit...) ?

lundi 15 novembre 2010

La Chine, nation « démocratique » ?

On croit rêver, mais, volontairement ou pas, le Service International du quotidien Le Monde s'est laissé aller à écrire, aujourd'hui, en page 6 du numéro 20470 daté du mardi 16 novembre 2010, dans un article titré « L'icône intransigeante de la résistance au régime militaire honni », consacré à un portrait de Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la Paix, libérée par les généraux birmans après sept ans de résidence surveillée dans sa maison de Rangoun, cette phrase tout bonnement incroyable :
« Aung San Suu Kyi reste cependant l’icône incontestée d’une force de résistance à un régime militaire sanglant, sujet à l’opprobre de la plupart des nations démocratiques, à l’exception de la Chine, son principal soutien politique et pourvoyeur d’armes. »
(la mise en emphase forte (gras) est de mon fait)
Compte tenu de l'énormité de ce qui est implicitement signifié dans cette phrase — présenter la République populaire de Chine comme une nation dans laquelle le peuple serait souverain et détiendrait le pouvoir collectivement (définition sur Wikipédia d'un régime politique démocratique) —, j'aimerais me rassurer et croire à une étourderie ou à une simple maladresse de la part du rédacteur de cet article, mais j'ai du mal à m'en convaincre...

vendredi 12 novembre 2010

« déserrance »

Ce terme figure, sous la plume de Sophie Landrin, dans un article titré « Camarades ennemis », en cinquième colonne de la page 3 du numéro 20468 du quotidien Le Monde, daté du samedi 13 novembre (et paru cet après-midi), au sein de cette phrase : « La direction du PS accuse François Hollande d'avoir laissé un parti en déserrance, miné par ses divisions et ses deux défaites à la présidentielle. »

On peut évidemment supposer une erreur de la journaliste ou d'un correcteur égaré, mais ce qui est amusant, c'est que si le sens figuré ordinaire du mot « déshérence » — « Disparition de la continuité d'une organisation. » — implique une période de flottement pour l'entité qui y est sujette, la construction sémantique involontaire « dés- + errance » impliquerait justement le contraire de ce que voulait signifier la journaliste...

Accessoirement, on trouve, au sein de cet article consacré aux relations tendues entre Martine Aubry, actuelle premier secrétaire du Parti socialiste, et François Hollande, son prédécesseur immédiat, une belle faute de grammaire, un peu plus haut dans le même article : « Mme Aubry s'est promise de tout faire pour contrarier les ambitions de son meilleur ennemi. » Il eût évidemment fallu écrire : «  Mme Aubry s'est promis [...] », tandis que l'on eût pu écrire, antérieurement au remariage de Martine Aubry avec Jean-Louis Brochen le 20 mars 2004 : « Mme Aubry s'est promise en mariage [...] »

mercredi 10 novembre 2010

Redevance audiovisuelle française pour tablettes et ordinateurs ?

Philippe Marini, maire de Compiègne, sénateur de l'Oise et rapporteur de la commission des Finances du Sénat depuis 1998, a donné une interview au Figaro (ou à la branche en ligne LeFigaro.fr), dans laquelle il se prononce explicitement en faveur de la taxation des « ordinateurs et autres tablettes qui reçoivent la télévision », ceci afin d'étendre l'assiette de la redevance audiovisuelle.

Cela n'a pas empêche LeFigaro.fr de titrer «La redevance pour les tablettes et ordinateurs», en oubliant au passage que cette proposition ne viserait, si on se penche avec rigueur et une attention soutenue sur les propos du sénateur, que les seuls appareils recevant la télévision (ordinateurs avec tuner pour la TNT, ordinateurs couplés à une « box TV par internet », par exemple, puisque les modalités de cette extension de la redevance audiovisuelle ne sont pas définie avec une précision dépassant les mots « recevant la télévision »).

Pour le moment, parmi tous les sites ayant relevé cette information, seul le site onsebuzz.com a eu l'honnêteté de titrer « Redevance et taxe TV étendue aux ordinateurs qui reçoivent la télé ? ».

L'Agence-France-Presse, pour sa part — et les gens pas trop mal informés ne s'en étonneront guère —, ne s'embarrasse pas de ce genre de nuance ou précision, et titre « Marini veut appliquer la redevance aux "tablettes et ordinateurs" », alors même que le texte de la dépêche n'oublie pas de préciser que cette proposition est restreinte et assortie de conditions.

samedi 6 novembre 2010

Intelligence collective des arbitres

Phénomène étrange : depuis le dernier renouvellement du comité d'arbitrage de Wikipédia, en septembre, qui a vu l'élection de seulement six arbitres — alors que dix postes étaient à pourvoir —, le comité semble faire preuve, dans sa globalité, d'une intelligence qui, auparavant, était parfois/souvent [rayer la mention inutile] aux abonnés absents.

Non, je ne pointerai pas telle ou telle réflexion particulière, c'est seulement un sentiment persistant à la lecture des arbitrages en cours et des arbitrages déclarés non recevables.

Cela dit, j'aimerais bien éclaircir ce mystère...

vendredi 5 novembre 2010

Rose Banks : « Rose », 1976

Ce petit bijou, pour qui veut bien se donner la peine de s'y plonger, est sorti en 1976, et constitue, après la dissolution en 1975 du groupe Sly and the Family Stone, l'unique album de Rosie Stone (EN) — sœur de Sly Stone —, publié par Motown.
Pistes de l'album :
Piste Auteurs Durée
Whole New Thing Jeffrey Bowen (EN)
J. Ford
Truman Thomas
3:30
Right's Alright Bubba Banks 4:05
I Get High On You Sly Stewart 3:45
Darling Baby Edward Holland
Lamont Dozier
Brian Holland
3:39
I've Go To Make It On My Own E. Robinson-V. Osborn 4:31
You're Much Too Beautiful For Words E. Robinson-V. Osborn 3:34
I'm So Glad You're Here E. Robinson-V. Osborn 4:08
It's Not The Season (It's The Reason) Jeffrey Bowen
J. Ford
Bubba Banks
4:04
My Life Is Loving You E. Robinson-V. Osborn 5:02

Produit par : Jeffrey Bowen, sauf Right's Alright, produit par Jeffrey Bowen et Bubba Banks (mari de Rose).


Musiciens :
  • Freddie Stone (EN) (frère cadet de Rose et ex-membre de Sly and The Family Stone), guitare ;
  • Cynthia Robinson (EN) (ex-membre de Sly and The Family Stone), trompette ;
  • David T. Walker (EN), guitare rythmique ;
  • Rusty Allen (EN) (ex-collaborateur de Sly and The Family Stone), guitare basse ;
  • Truman Thomas, claviers ;
  • Pat Rizzo (EN) (ex-collaborateur de Sly and The Family Stone), saxophone ténor.

Commentaires : J'ai toujours regretté que la firme fondée par Berry Gordy se soit si inexplicablement désintéressée de cette artiste : je suis persuadé que nous y avons beaucoup perdu, même si aucun indice ne nous permet aujourd'hui de prétendre que Rose aurait pu se muer en chanteuse de premier rang.

Certes, ultérieurement, ce genre de déception a été largement compensé, dans un autre genre, par le foisonnement et le génie de l'œuvre musicale d'un Prince, par exemple, mais on a quand même l'impression que toutes les chances n'ont pas été offertes à Rosie Stewart pour une vraie carrière solo. Certes, on est toujours partiellement responsable de ce qui nous arrive...

Petit détail gênant : l'album est relativement difficile à dénicher, même si la tâche n'est pas impossible.

mercredi 3 novembre 2010

« Espionnage de journalistes » ou pas ?

Le Canard enchaîné, dans son numéro 4697 daté du mercredi 3 novembre 2010 (paru hier à Paris), prétend que Nicolas Sarkozy, président de la République française, superviserait l'espionnage d'un certain nombre de journalistes. Assertion évidemment démentie, parfois avec une indignation surjouée, dans les rangs proches de l'actuel locataire de l'Élysée.

C'est possible, ou bien c'est fantaisiste. Je n'en sais rien, encore que j'aie bien une conviction intime, mais qui n'est d'aucune importance dans le brouhaha du jour.

Ce qui est amusant, en revanche, c'est que tout le petit monde qui s'offusque aujourd'hui de cette affaire, ou qui hier montait au créneau pour l'implication supposée de proches du pouvoir dans les multiples affaires liées de près ou de loin à Liliane Bettencourt, semble oublier autre chose, à mon avis beaucoup plus important et qui, cette fois, ne souffre aucune contestation.

Je veux bien sûr parler du projet de constitution européenne, qui fut souverainement rejeté par le peuple français, le 29 mai 2005, par 54,68 % des suffrages exprimés, ce qui n'a pas empêché le sieur Sarkozy de piétiner allègrement la volonté populaire exprimée de manière largement majoritaire :
  • en signant, le 13 décembre 2007, le traité de Lisbonne — le qualifiant mensongèrement de « mini-traité » et faisant croire qu'il ne serait pas un simple ravalement de façade du projet de constitution européenne,
  • puis en faisant autoriser la ratification du traité par l'Assemblée nationale et le Sénat, les 7 et 8 février 2008,
  • et enfin en promulguant cette loi de ratification, le 13 février, et en la faisant publier au Journal officiel, le 14 février.
Il est des gens de ma connaissance qui considèrent ce comportement présidentiel comme une série d'actes de haute trahison, définition certes commode, puisque ce concept n'est pas défini, en droit français.

On remarquera pour finir que, parmi les vertus indignées du jour, certaines, et non des moindres, notamment à gauche — mais je n'aurai pas la cruauté de citer des noms... —, furent bien silencieuses, tout au long du processus de piétinement de la volonté populaire réticente exprimée en France et aux Pays-Bas au printemps 2005.

Cependant, il serait temps, comme je l'ai déjà dit, qu'un nouvel Hercule vienne nettoyer les écuries d'Augias de ce petit monde politique français. Hélas, cet « avatar » contemporain du héros antique n'existe pas.

Pour autant, je ne cracherai pas sur des « explications » complémentaires dans cette succession de sombres affaires de journalistes supposés étroitement surveillés, sans parler de la série récente de cambriolages de domiciles de journalistes ou de locaux d'entreprises de presse. Tout ce qui est susceptible d'apporter un semblant de lumière sur de possibles basses pratiques liées au très délétère climat politique actuel me semble pouvoir être, au final, une bonne chose.

lundi 1 novembre 2010

Les wikipédiens qui veulent aller plus vite que la musique

Soyons justes : il n'y a pas que les merdiats — et notamment l'Agence France-Presse, ma bête noire (cf. mon billet du 31 octobre) — pour procéder à un traitement stupide de l'actualité.

La preuve nous en est fournie quasiment après chaque élection présidentielle un tant soit peu médiatisée, ici ou là sur la planète.

Ce fut le cas en octobre 2007, lorsque Cristina Fernández de Kirchner fut élue au premier tour, le 28 octobre, présidente de la Nation Argentine. Alors que le mandat de son prédécesseur et mari, Néstor Kirchner, continuait jusqu'au 10 décembre 2007, cela n'avait pas empêché un contributeur, le 29 octobre, de se précipiter sur l'article « Argentine », afin d'y « actualiser » l'infobox, en escamotant au passage le président en exercice, qui avait encore plus d'un mois de mandat à effectuer.

Rebelote un an plus tard, cette fois avec l'article « États-Unis », après l'élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis, le 4 novembre 2008. Ils ont été plusieurs, successivement, à partir du 5 novembre, à s'empresser de vouloir évacuer le calamiteux George W. Bush, en fonctions jusqu'au 20 janvier 2009, de l'infobox de l'article.

Dix de der, évidemment, ce 1er novembre, au lendemain du second tour de l'élection présidentielle au Brésil, qui a vu la victoire de Dilma Rousseff. Nous en sommes déjà à deux tentives de modification de l'infobox de l'article « Brésil », avec escamotage du président en exercice, Luiz Inácio Lula da Silva, qui ne quittera ses fonctions que le 1er janvier 2011.

Ce ne sont que trois exemples pris sur le continent américain, mais je gage que si l'on cherchait dans l'article « France », le 6 mai 2007 et les jours suivants, après l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, on aurait aussi des chances d'y trouver un escamotage de Jacques Chirac dans l'infobox, plusieurs jours avant la fin effective de son mandat, le 16 mai 2007...

Tout cela est bien décourageant : en généralisant, je dirais volontiers que les wikipédiens sont une collection de débiles, mais ce serait profondément injuste. Il n'empêche de ce manque de jugeotte et cette superficialité ont le don de me mettre dans une colère noire, même si elle est prévisible.