vendredi 24 septembre 2010

Le décès « a été prononcé »

C'est la perle du jour, due à un journaliste de l'Agence France-Presse dans une dépêche relative à l'exécution, par injection létale, de Teresa Lewis, hier soir, en Virginie.

Évidemment, tous les médias français ont répercuté l'expression sans réfléchir un instant que l'on ne saurait « prononcer » un fait qui vient de se produire, mais qu'on ne peut que le constater.

On prononce un jugement, un arrêt, une sentence, une décision, un anathème, une fatwa, une peine, une séparation de corps, un non-lieu, une main-levée, une cassation, une confiscation, un renvoi, un huis-clos, des vœux, etc.

samedi 11 septembre 2010

Peine de mort et réparation tardive

Ce billet est inspiré de la lecture d'un article de Corinne Lesnes, correspondante à Washington du quotidien Le Monde.

Dans cet article, titré « Peine demort en suspens faute de stock », paru dans l'édition datée du dimanche 12 septembre 2010, la journaliste rapporte, en annexe de développements sur la pénurie actuelle de thiopenthal sodique (utilisé pour la première des trois injections létales faites aux condamnés à mort exécutés selon ce mode aux États-Unis), que le gouverneur du Kentucky, Steven Beshear, confronté à la présence d'une seule dose de ce barbiturique dans les prisons de son État, dose censée être périmée le 1er octobre prochain, a décidé de ne surtout pas la perdre, en programmant au 16 septembre l'exécution d'un homme condamné à mort par la justice de son État il y a vingt-deux ans.

Que les choses soient claires : il ne me viendrait pas à l'esprit de vouloir contester aux 35 États fédérés (sur 50) qui recourent à la peine de mort aux États-Unis le droit de le faire. Philosophiquement, j'ai toujours été opposé à cette peine suprême dans l'arsenal juridique de répression des crimes, et n'ai pas changé d'un iota. Cela dit, je vois mal comment ne pas être choqué par le fait que l'on puisse laisser traîner un homme durant vingt-deux ans dans le « couloir de la mort » puis, subitement, décider d'appliquer cette peine.

La France ne manque certes pas de « bonnes consciences » promptes à s'indigner bruyamment de l'existence même de la peine de mort aux États-Unis, et qui seraient bien inspirées de la mettre en veilleuse, mais les États-Unis ne manquent pas non plus d'âmes charitables bien décidées à se mêler, à répétition, de ce qui ne les regarde pas, dans les affaires intérieures européennes et notamment françaises.

Cela ne m'empêchera pas, à titre strictement personnel, de dire que je trouve insensé que, pour assouvir un besoin de réparation, on puisse se montrer barbare au point de laisser différer aussi longtemps cette réparation. Imagine-t-on réellement que les proches de la ou des victimes de Gregory Wilson (le condamné du Kentucky, âgé de 53 ans), dont un ou plusieurs assisteront certainement à l'exécution, comme il est de coutume aux States, seront satisfaits par une réparation attendue aussi longtemps ? J'ai peine à le croire. La barbarie est institutionnelle, mais elle est aussi individuelle, par l'absence de protestations d'envergure contre ces anomalies.

Sans parler de l'immense hypocrisie du recours aux injections létales, censées être plus « humaines », par l'abrègement des souffrances du condamné exécuté (par rapport aux exécutions par pendaison ou par électrocution) quand, à côté de cela, on met savamment en scène la mise à mort, et que l'on permet, aussi abominables que ses crimes aient pu être, la torture morale d'un homme pendant un aussi grand nombre d'années.